Le mercredi 31 juillet dernier, Ibrahima Sory 2 Tounkara, le juge du tribunal criminel de Dixinn délocalisé à Kaloum, a prononcé la décision sur le procès des événements du 28 septembre 2009. Plusieurs condamnations dont la plus lourde a été la réclusion criminelle à perpétuité retenue contre le Colonel Claude Pivi en cavale, ont été infligées aux accusés. C’est ainsi que le capitaine Moussa Dadis Camara et le colonel Moussa Tiegboro Camara ont écopé, chacun de 20 ans d’emprisonnement, tandis que le commandant Aboubacar Siddiki Diakité alias Toumba, vedette du procès, s’en est tiré avec peine d’emprisonnement de 10 ans. La décision est diversement interprétée par les professionnels et les profanes. Les uns le jugent clément, les autres sévères. Qu’importe ! Le droit a été dit. « Dura lex sed lex ». Au-delà des péripéties des audiences, des élucubrations des avocats et des appréciations que l’on peut faire de la décision, ce procès a quelques mérites qu’on peut occulter, voire sous-évaluer.
D’abord sa tenue a été pour le gouvernement guinéen, à l’époque déjà de Alpha Condé, un challenge ? Parviendra-t-il à l’organiser ? s’interrogeait-on en Guinée et ailleurs. Pour diverses raisons (financières, construction du siège du Tribunal criminel, composition du Tribunal de magistrats expérimentés), son ouverture a été maintes fois différée. Il a fallu attendre le changement de leadership du 5 septembre 2021 pour que les conditions de l’ouverture de ce procès attendu depuis plus de 10 ans, soient réunies. Si tout le monde n’a pas tout compris, on estime que tout le monde s’est fait religion sur la qualité de la gouvernance du capitaine Moussa Dadis Camara, en 2009.
Ensuite, le deuxième mérite du procès, est qu’il permet de juger et de condamner un chef d’Etat pour la première fois en Guinée, quand bien même il n’est pas en fonction au moment de son arrestation. Cela fera peut-être jurisprudence.
L’autre motif de satisfaction tiré du procès est sa gestion, de bout en bout, par les juridictions nationales. Président du tribunal, assesseurs, avocats (sans vinaigrette) relèvent tous de l’Etat-guinéen. L’intervention de la Cour Pénale Internationale n’a pas été utile. Son Procureur s’est réjoui de la décision rendue à Conakry. Tout cela est de bon augure pour les institutions judiciaires du pays.
Enfin, l’opinion publique nationale et internationale a pu évaluer l’ampleur des failles et des défaillances de la gouvernance du CNDD et du capitaine El Dadis. Comment le président, informé du meeting des Forces vives, prévu le lundi 28 septembre, a-t-il décidé de se rendre à Labé pour aller y défier on ne sait qui, sans s’assurer d’avoir laissé à Conakry, un dispositif efficace de gestion de conflit dont il aurait pu subodorer l’ampleur et la gravité ? De toute évidence, cela n’a pas été fait. Dès que le président du CNDD a pris la route de Labé, le Ministre de la Défense, 2è vice-président du CNDD, de fait, second du régime, s’est engouffré dans un avion, en compagnie d’autres grosses légumes avariées du régime, pour une virée inopinée et ténébreuse à Macenta. Il ne restait donc pas à Conakry grand monde habitué à contrer avec responsabilité et intelligence une manifestation à hauts risques de troubles graves. Lors qu’El Dadis revient de Labé, la veille du meeting, il est tard. Les uns et les autres ont déjà franchi le Rubicon. Le massacre est inévitable. « Gouverner, c’est prévoir, ne rien prévenir, c’est courir à sa perte. »
Abraham Kayoko Doré