Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kéamou Bogola Haba, a donné le coup d’envoi du tournoi de football doté du trophée Général Mamadi Doumbouya, organisé à Labé le 15 septembre. Pour l’occasion, il a déclaré que ceux qui ne travailleraient pas avec le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) n’auraient « pas d’autre choix que de quitter la Guinée ». Des propos qui ont titillé l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti de l’opposition.

Cellou Baldé, Coordinateur des fédérations de l’UFDG à l’intérieur du pays et ancien député uninominal de Labé, a fermement rejeté les propos du ministre Bogola Haba. Le 18 septembre, dans une interview accordée à africaguinee, il a qualifié les déclarations du ministre de « discours va-t-en-guerre ». Il estime que nul ne doit être contraint à l’exil pour ses convictions politiques. « Personne ne quittera la Guinée à cause de ses opinions ou appartenances politiques » a-t-il martelé, soulignant que chaque citoyen avait le droit de s’exprimer librement, même en période de transition.

La ville de Labé, connue comme bastion de l’UFDG et lieu de naissance de son leader Cellou Dalein Diallo, a toujours été un terrain stratégique. L’intervention de Bogola Haba en soutien au CNRD a ainsi été perçue comme une provocation directe. Cellou Baldé a condamné les propos de son ancien codétenu à la Maison centrale. Des propos qu’il juge « dangereux et irresponsables ». Selon lui, inciter des citoyens à quitter leur pays à cause de leurs désaccords politiques est « non seulement inacceptable, mais aussi une menace pour la stabilité du pays ». Pour lui, quand un ministre de la république affirme que des Guinéens n’auront pas le choix que de quitter la Guinée « s’ils ne sont pas d’accord que d’autres Guinéens soient kidnappés, tués, emprisonnés pour leurs opinions, vous conviendrez avec moi que ce sont des propos dangereux, irresponsables ».

Rappel d’un  passé tumultueux

Cellou Baldé n’a pas hésité à évoquer les précédents historiques de Bogola Haba. Selon lui, le ministre n’est pas à ses premiers propos controversés. Il aurait joué un rôle similaire sous le régime du CNDD de Moussa Dadis Camara en 2009. À cette époque, le ministre scandait des « slogans radicaux tels que ‘’Dadis ou la mort’’. »

Cellou Baldé indique que des discours similaires pourraient conduire le CNRD sur une voie dangereuse. « Le CNDD s’est retrouvé dans le pétrin et ce sont ces mêmes personnes qui se retrouvent autour du CNRD, parce qu’ils ne peuvent vivre que dans le chaos, dans la manipulation et dans le mensonge. Ils ne peuvent pas vivre dans les règles et principes démocratiques, conformément aux lois du pays et à la Charte de la Transition ».

Rappel à l’ordre

Le cadre de l’UFDG, ne s’est pas gêné à faire appel à la conscience du ministre de la Jeunesse qu’il a invité à mesurer les conséquences des propos, afin d’éviter à la Guinée une nouvelle crise. « Ce sont des propos dangereux et irresponsables surtout dans le contexte actuel de notre pays. Nous sommes en période de transition et qui dit transition, dit période de rupture, de légitimité…. Chaque Guinéen, même un simple citoyen devrait mesurer ses propos à plus forte raison un ministre de la république investi de responsabilité au sommet de l’Etat».

« Personne ne va quitter la Guinée »

Le Coordinateur des fédérations de l’UFDG  a réaffirmé son attachement à la Guinée et à ses principes démocratiques. « Nous ne quitterons pas la Guinée, non ! Nous n’irons pas en exil, nous allons vivre dans ce pays. Bogola Haba apprendra cela à ses dépens, parce que les Guinéens ne se laisseront pas faire et prendront leurs responsabilités.» Il réitère la détermination de l’UFDG à poursuivre son combat pour le retour à l’ordre constitutionnel. Selon lui, le Général Mamadi Doumbouya, président de la Transition, devrait tirer les leçons du passé et éviter de se présenter à l’élection présidentielle. «Je suis persuadé qu’il va réfléchir 1 000 fois et comprendre qu’on ne peut pas organiser le procès des événements du 28 septembre 2009, voir Dadis, Thiégboro et tous les autres qui ont été condamnés pour des faits que nous connaissons tous et qui sont en prison, et que lui aussi, il accepte de troquer sa tenue militaire contre une candidature. » Il se dit convaincu que la transition prendra fin à la date du 31 décembre 2024.

Cellou Baldé a lancé un appel à l’unité et à la préservation des intérêts du pays. « Le Simandou, l’or, le diamant, le calcaire, le port, l’aéroport, appartiennent à tous les Guinéens. » Il estime que les autorités de la Transition doivent « favoriser la culture de l’alternance dans notre pays, pour que la Guinée puisse amorcer le développement socioéconomique ».

Abdoulaye Pellel Bah