Dans un contexte où il est devenu difficile de s’exprimer sur certaines questions d’intérêt national sans s’exposer au courroux des princes du moment et sans risquer de subir des représailles de tous genres, il n’est pas aisé de prendre position. Mais il faut admettre que la Guinée est le patrimoine commun de tous les citoyens guinéens et que chacun d’entre eux a obligatoirement et légitimement son mot à dire sur la gestion de ce bien commun.
Qu’on l’admette ou pas, l’un des sujets qui font débat actuellement concerne l’éventualité d’une candidature du Président de la Transition à la prochaine élection présidentielle en particulier.
Et depuis la publication de l’avant-projet de constitution qui n’a pas reconduit les articles 46, 55 et 65 de la Charte de la Transition, le débat est devenu plus vif.
Selon les dernières déclarations du ministre secrétaire général de la Présidence de la République, du Premier ministre, du ministre porte-parole du gouvernement et du ministre des Affaires étrangères, le Président de la Transition peut être candidat à la prochaine élection présidentielle. Le ministre secrétaire général de la République déclare par exemple que rien n’interdit au Président de la Transition d’être candidat à cette élection.
On peut dès lors se demander à quoi sert un serment, un engagement ou la parole donnée. Si les dispositions des articles 46,55 et 65 de la Charte de la Transition n’ont pas été reprises dans l’avant-projet de constitution, il y existe quand même un serment qui commence par la formule : » Je jure devant le Peuple. ».
Peut-on soutenir sérieusement que ce serment ne signifie rien ? S’il ne veut rien dire, c’est qu’il ne sert plus à rien de prévoir un serment dans la norme suprême qu’est la constitution. Cela veut dire concrètement que même le serment prévu dans l’avant-projet de constitution qui est en débat actuellement ne servira absolument à rien puisqu’il est possible de le violer sans aucun obstacle, ni juridique ni moral.
Lorsqu’un musulman ou un chrétien jure de faire quelque chose et/ou de s’abstenir de faire quelque chose, peut-on admettre facilement qu’il fasse autre chose que ce qu’il a promis ? Si c’est le cas, c’est qu’on n’est pas soi-même convaincu de la portée du serment pour un croyant.
Il y a des questions qui dépassent le cadre étroit du droit. Elles deviennent des questions morales et religieuses.
Le Président Alpha Condé a été renversé pour avoir, dit-on, violé son serment de respecter la constitution de mars 2010 qui limitait à deux le nombre de mandats présidentiels. Peut-on, dès lors, imaginer un seul instant que ses tombeurs empruntent le même chemin, celui de la violation de serment, donc du parjure?
Le Président de la Transition a été très bien inspiré d’indiquer dans la Charte de Transition que les membres des organes de la Transition ne seraient pas candidats aux élections qui marqueront le retour à l’ordre constitutionnel.
Lui-même et les membres des autres organes de cette Transition ont prêté serment de respecter la Charte de la Transition.
En plus de respecter la Charte de la Transition, le Président de la Transition a prêté serment de faire respecter celle-ci. C’est la manifestation d’une volonté, d’une vision.
C’est pourquoi, il faut garder l’espoir qu’il s’en tiendra à son serment et que les arguties des juristes-couturiers, des profiteurs et autres propagandistes de tous genres ne l’induiront pas en erreur comme ils l’ont fait avec le Président Alpha Condé qui erre aujourd’hui comme une âme en pleine. S’il a une offre politique attrayante, ce sont les Guinéens qui seront amenés à le réclamer et à l’élire dans cinq ou dix ans comme l’ont fait les Maliens avec un autre militaire auteur d’un coup d’État, le Président Amadou Toumani Touré. Et si c’est nécessaire, les Guinéens n’hésiteront pas à le faire.
Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier