Dans les Républiques islamiques les dirigeants prêtent serment sur le Coran. Chez les pays de tradition judéo-chrétienne, comme les Etats-Unis, c’est sur la Bible qu’ils le font. En revanche, les pays où la séparation entre la religion et l’Etat est un principe sacro-saint, la Constitution est la loi sacrée : sur elle jure l’élu ou le réélu.
La Guinée pays d’exception, mélange les genres. Le crypto socialo-communiste Sékou Tyran avait comme livres sacrés ses tomes révolutionnaires. La Révolution primait tout, y compris la religion. Le Président Lansana Conté non plus dévotque son prédécesseur fait jurer ses ministres le livre de leur foi. Le serment : maudit qui se sert au lieu de servir le peuple.
Les événements de janvier et février 2007 mettent à rude épreuve tous ceux qui se sont servis. Pour les adeptes de l’irrationnel, la violation de ce serment est à l’origine du cataclysme qu’ont connu les dignitaires d’alors. C’est dans ce contexte de défiance et de méfiance entre dirigeants et dirigés qu’un bouillant capitaine s’empare du pouvoir. Pour montrer sa bonne foi, le fils de Koulé use et abuse des écritures saintes. Le Coran dans une main et la Bible dans l’autre, El Dadis veut montrer qu’aucune des confessions religieuses ne lui est étrangère. Or, au bled ou on est musulman, ou chrétien ou animiste. On est tout ou l’on n’est rien. La fuite est connue.
Puis ces Coups bas Konaté arrive. Au diable les méthodes de son prédécesseur. Les livres saints loin du palais. Il en est de même au temps du Prési-Grimpeur. Tout socialiste – pour ne pas dire communiste-découvert cartésien et sorbonnard ne s’encombre pas de livres saints. Pendant sa traversée de désert, l’homme aurait même martelé un jour regretter d’être musulman. Ç’avait fait jaser. Son camp cria au complot visant à le discréditer et le disqualifier. Pour eux, dire qu’un homme, qui sollicite le suffrage populaire, regrette d’être musulman dans un pays à majorité musulmane, n’était rien d’autre qu’une conspiration ourdie par son adversaire. Après sa consécration en 2010, il a su apprivoiser les religieux qui l’ont servi avec zèle.
Depuis le 5 septembre 2021, les Guinéens assistent de nouveau à un recours excessif au Coran et à la Bible. La nomination, quelle qu’elle soit, oblige le bénéficiaire à jurer sur le livre de sa foi. Scandale : des fatmas dans une parure peu recommandable en islam, jurer sur le Coran. Beaucoup d’internautes avaient crié au sacrilège. La méthode Doum-bouillant est différente de celle de Fory Coco et El Dadis. Fory Coco exigeait de ses ministres de jurer défendre l’intérêt général, non le sien, espérant que les livres saints dissuaderaient les prédateurs de l’économie. El Dadis, en s’exhibant ces livres entre les mains, voulait montrer sa bonne foi.
Pour l’actuel Timonier, les choses sont différentes. Le serment auquel les nouveaux promus sont astreints est savamment et subtilement élaboré. Tous ceux qui sont actuellement à la mangeoire ont juré fidélité et loyauté à Mamadi Doumbouya. Et c’est peut-être là qu’il faut trouver les véritables raisons des prises de position qui font les choux gras de la presse.
Si les ministres et autres commis de l’Etat se rendent compte que leur bienfaiteur n’a d’autres intérêts à défendre que son fauteuil, il va de soi qu’ils vont se rappeler de l’engagement qu’ils ont pris la main sur le livre sacré. Il ne s’agit pas de leur trouver une excuse. Il ne s’agit pas non plus de dire que c’est l’entourage qui induit le nouveau maître de la Guinée en erreur. Celui qui a eu la témérité de marcher sur le palais présidentiel et de capturer son bienfaiteur, au prix de plusieurs vies fauchées, est tout sauf le néophyte, l’innocent et la marionnette d’une meute de profiteurs que disent certains.
Cet homme savait ce qu’il voulait à sa prise de pouvoir. Il sait ce qu’il veut aujourd’hui. Jurer ou pas jurer sur un livre saint, ses féaux auraient soutenu son projet. Reste à savoir si tous savaient ce pourquoi ils juraient. Il est fort à parier que si le serment disait de manière expresse qu’il fallait soutenir sa future candidature, aucun d’entre eux n’aurait rechigné au nom d’un idéal démoncratique.
Cette autre transition aura eu le mérite de montrer le vrai visage de nos cadres en bois, pour qui la démocratie est à géométrie variable. Ce qui est interdit à El Dadis est permis à Doum-bouillant. Le deux poids deux morsures indigne plus d’un Guinéen. Les dés sont jetés. La seule inconnue est la réaction du Chef de tous les chefs. Les nouveaux promeneurs ont juré de défendre l’intérêt du peuple. Si cet intérêt est aux antipodes de celui du chef, il faut craindre le dies irae (le courroux du Ciel).
Habib Yembering Diallo