Le 1er octobre, veille de la célébration du 66e anniversaire de l’accession de la Guinée à l’indépendance, Mamadi Doumbouya est sorti de son mutisme pour s’adresser aux Guinéens. Dans un discours de près de 30 minutes, le président de la transition, tout de blanc vêtu, a mis l’accent sur les femmes, son bilan et l’espoir d’un lendemain meilleur fondé notamment sur l’exploitation du gisement de fer du Simandou. 

Près de trente minutes d’allocution et pas un mot sur les élections, qu’elles soient référendaires ou présidentielles. Et par voie de conséquence, silence sur le retour à l’ordre constitutionnel. Comme autrefois son prédécesseur Alpha Condé, en quête de réélection, Mamadi Doumbouya a plutôt mis l’accent sur les femmes. « S’inspirer du passé pour construire le futur ensemble : la Guinéenne » est le thème de la célébration de la Fête nationale du 2 Octobre de cette année.  

Le locataire du Palais Mohammed V a rendu un hommage appuyé aux Guinéennes, sans lesquelles « la Guinée ne serait pas ce qu’elle est », déclare-t-il. « Ce 2 octobre 2024 est autant une célébration de notre indépendance que de la reconnaissance de leur rôle crucial dans l’édification de notre État », renchérit-il.

Une campagne avant l’heure pour conquérir les suffrages des femmes ? Toujours est-il que le président de la transition, dont la candidature à la prochaine présidentielle est réclamée par ses affidés, a auparavant rendu visite à certaines d’entre elles, qualifiées de « pionnières ». C’est notamment des anciennes ministres Aicha Bah, Mariama Aribot et Saran Daraba, ainsi que la compagnonne d’indépendance, Mariama Sow. Toutes se sont senties honorées par le geste, toutes ont béni l’hôte, toutes ont formulé à ce dernier leurs meilleurs vœux de réussite. 

Dans son allocution, Mamadi Doumbouya s’est enorgueilli d’actes posés durant la transition pour la gent féminine : création de l’Agence nationale pour l’autonomisation des femmes ; Fonds d’appui à l’autonomisation et l’entrepreneuriat des femmes et, vaguement, il a évoqué des projets et programmes communautaires financés par le gouvernement et ou ses partenaires, pour leur épanouissement aussi bien dans l’éducation que la santé reproductive. 

« Tourner la page des querelles intestines »

La célébration de l’indépendance nationale, à ses yeux est « une occasion de fierté nationale, un moment de réflexion profonde sur le chemin parcouru et sur les défis encore à relever pour garantir un avenir prospère et harmonieux à notre peuple. Cette date ravive en nous une fierté patriotique intense. En tant qu’État souverain, elle nous rappelle aussi notre engagement de bâtir une Nation fraternelle, réconciliée et épanouie, reposant sur les valeurs cardinales de paix, d’unité et de cohésion nationale. » Doumbouya appelle à « tourner la page des divisions et des querelles intestines pour bâtir un avenir commun. » Sans pour autant avoir un mot pour les disparus, les morts et leurs familles, ou encore les exilés politiques.

Égrenant d’autres aspects de son bilan, il se félicite d’avoir recasé, à Coyah, 2 000 familles déguerpies à Kaporo-rails. Au-delà d’une recommandation des Assises nationales, précise-t-il, c’était « un engagement personnel d’essuyer les larmes de ces compatriotes qui aspiraient à cette réhabilitation depuis 1998. »

Il évoque d’importants acquis réalisés, met un point d’honneur à ce que les ressources minières profitent à tous et qualifie Simandou d’espoir réel de transformation économique de la Guinée. Hier « boussole » de la transition, « la justice doit être le socle sur lequel se fonde la confiance de notre peuple. Malgré tous les chantages politiques, comme je l’ai toujours dit, dans la lutte contre la corruption, ma main ne tremblera jamais », martèle-t-il encore. « Depuis notre arrivée, nous avons œuvré pour un renforcement significatif des services sociaux de base, notamment dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’accès à l’eau potable », ajoute le président de la transition.

Démarcation avec Goïta, Traoré et Tiani

Il s’engage à moderniser les hôpitaux et favoriser l’accès aux soins, y compris dans les localités les plus reculées. Même que son régime a « massivement » investi dans la construction de nouvelles écoles et la formation d’enseignants, en vue de l’éducation pour tous ; dans la réhabilitation et la construction des routes pour faciliter les échanges commerciaux. Et il fait de la réalisation des pistes rurales une priorité, avant de s’engager à poursuivre l’amélioration de la fourniture d’électricité. Vastes chantiers.

Au moment où ses homologues malien, burkinabè et nigérien quittent la Cedeao pour fonder l’Alliance des États du Sahel, Doumbouya réitère son attachement à l’intégration économique du continent, comme voie privilégiée pour réduire la vulnérabilité des États. Même que la Guinée entend jouer un rôle de premier plan au sein des organisations africaines. Elle est déjà de retour au sein de la Francophonie.

Diawo Labboyah Barry