Alors qu’elle était pressentie pour organiser la Can-2025, la Guinée ne dispose d’aucun stade homologué depuis 2022. Notre reportage dans les stades du 28-Septembre (Dixinn) et Général Lansana Conté de Nongo (commune de Lambanyi), en chantiers, laisse croire que les amoureux du cuir-rond ne verront pas de sitôt le Syli national disputer ses rencontres à domicile à Conakry.

Le dernier match officiel disputé, à Conakry, par une équipe guinéenne remonte à fin 2021. Depuis, l’équipe nationale et les clubs (engagés en campagne africaine) sont contraints de jouer leurs matches à domicile à l’extérieur, faute de stades répondant aux normes internationales. La Guinée s’est d’abord rabattue sur le Maroc, puis la Côte d’Ivoire. Les stades du 28-Septembre de Dixinn et Général Lansana Conté de Nongo, à Conakry, ne sont plus conformes aux standards requis pour accueillir les rencontres de la CAF (Confédération africaine de football) et de la FIFA (Fédération internationale de football association).

Une situation qui irrite les amoureux du football et les joueurs eux-mêmes privés de leur public. Ces derniers laissent éclater leur frustration sur les réseaux sociaux et dans les médias. « On n’a pas de terrain. C’est un truc qui nous manque…! Franchement, qui n’aimerait pas jouer en Guinée ? Avec les supporters qu’il y a là-bas, c’est un plus », déplorait le défenseur central du Syli national Saidou Sow, le 12 septembre sur RFI.

Des travaux à l’arrêt à Nongo

Pour y remédier, les travaux de réhabilitation des deux stades ont été lancés officiellement le 25 octobre 2023. Après un an, notre rédaction y a fait un tour. Le 9 octobre, un constat au Stade Général Lansana Conté de Nongo révèle l’ampleur du retard. L’infrastructure est méconnaissable, ses abords envahis par des herbes. A l’intérieur, les fauteuils en tribunes sont démontés, les gradins dégradés… Sur la pelouse, le peu de gazons qui restait est englouti par les mauvaises herbes. Pire, le chantier est à l’arrêt depuis plusieurs mois.

Pourtant, les travaux confiés aux entreprises Tacon (éthiopienne) et Limonta-Sport (italienne), il y a un an, devaient durer sept mois. La normalisation du stade coûterait 52 millions de dollars américains, selon l’ancien ministre des Sports, Lansana Béa Diallo.

Après les démolitions, la reconstruction piétine. Les intenses pluies qui se sont abattues cette année, particulièrement à Conakry, en seraient l’une des causes, explique Moudjitaba Barry, directeur général adjoint du stade Général Lansana Conté: « Depuis 2011, ce stade n’a jamais été homologué. Sur instruction du président de la transition, le ministère des Sports a recruté deux sociétés : Tacon pour le génie civil et Limonta pour la révision de la pelouse. Les travaux évoluent, mais nous sommes ralentis par la pluie. » Il assure toutefois que les commandes nécessaires à la poursuite du chantier ont finalement été livrées et que les travaux devraient « reprendre à la fin de ce mois ».

Évolution timide au Stade du 28-Septembre

Quatorze mois après le lancement des travaux de rénovation, l’avenir du Stade du 28-Septembre reste, pour l’heure, incertain. Connu pour ses souvenirs glorieux des années 60, le mythique terrain de football, qualifié de « champ de bataille » depuis les tragiques événements de 2009, le stade de Dixinn est en train d’être toiletté. Mais le chantier est encore loin d’être achevé. Pendant des décennies, il a accueilli les matchs du Syli et des clubs pour les compétitions de la CAF et de la FIFA. L’infrastructure est aujourd’hui réduite à un amas de gravats.

Le 18 août 2023, le ministère de la Jeunesse et des Sports a lancé les travaux de réhabilitation et d’extension du stade. La Guinéenne de construction et de prestation de services (Guicopres) et l’italienne Limonta ont été choisis pour la réalisation du chantier, en 18 mois. Mission : rendre le stade (de 25 000 places) conforme aux standards internationaux.

Sur le site, le constat est tout autre. Certaines parties, notamment au niveau des tribunes et des vestiaires, ont été démolies et retapées. La structure ovale a toutefois été conservée. La pelouse naturelle a été arrachée, laissant place à des tas de sable. Pour que le stade puisse accueillir des compétitions internationales, la CAF a recommandé son remplacement.

Les travaux de génie civil, à refaire intégralement, évoluent timidement. Des nouveaux piliers, renforcés, de la tribune couverte érigés. Il est recommandé aussi l’installation de 16 000 sièges individuels, la construction d’un hall omnisports, la réfection de la piscine olympique, un parquet de salle de sports de combat et la construction d’un R+1 pour des réunions et des bureaux pour certaines Fédérations sportives, selon le portail internet du stade du 28-Septembre.

Des travaux réalisés à 26 %

L’absence de progrès sur les chantiers de réhabilitation soulève des interrogations. Moudjitaba Barry ne voudrait pas entrer dans les polémiques mais, souligne qu’avant l’implication des entreprises Tacon et Limonta, une société guinéenne était en charge de la rénovation, mais « rien n’a été fait ». En clair, SAM-GBM, dirigée par l’homme d’affaires Mamadou Antonio Souaré, avait contracté un bail de 99 ans avec l’État, sous le régime d’Alpha Condé. Mais à une condition : achever tous les travaux du Stade Général Lansana Conté de Nongo et l’homologuer dans un délai d’un an. Engagement qu’il n’a pu honorer. Conséquence : la convention a été résiliée, sous Mamadi Doumbouya.

Le 3 février 2023, Mariama Satina Diallo, alors présidente du Comité de normalisation de la fédération guinéenne de football, décrivait en conférence de presse la situation critique des deux stades : « La CAF est venue nous présenter son rapport. Elle a dit qu’on a trois éléments sur lesquels nous devons absolument travailler pour qu’on joue en Guinée. S’agissant de la pelouse, le gazon n’est pas de bonne qualité. En plus, il y a une nappe d’eau. Les chaises ne sont pas aux normes internationales de la CAF. Il va falloir tout changer dans les alentours du stade. La cour doit être aménagée, bétonnée ou dallée. Les pierres qui s’y trouvent sont des projectiles potentiels. Il y a d’autres problèmes, mais ce sont les plus essentiels qui nécessitaient des corrections pour pouvoir accueillir des matchs à domicile. »

Pour l’homologation du stade GLC de Nongo, la CAF exige ainsi le remplacement des sièges des tribunes, la rénovation des vestiaires, l’installation de tourniquets pour compter les spectateurs, la mise en conformité de la pelouse.

Mais les retards s’accumulent, accentués par de problème financier. Le Directeur général adjoint du stade révèle que depuis le début des travaux, l’Administration et contrôle des grands projets, ACGP, n’a recruté Veritas que le 8 octobre. C’est la société de contrôle qui évalue l’avancée du chantier, facilite le décompte (paiement).  

Moudjitaba Barry se dit, malgré tout, optimiste. Selon lui, 26% des travaux ont été réalisés. L’objectif est de rendre le Stade GLC opérationnel d’ici fin avril prochain. « Je ne peux pas vous indiquer le mois exact, parce que nous voulons respecter cette fois-ci les principes et les règles des infrastructures sportives modernes », se veut-il prudent. Sur le terrain, la réalité est moins rassurante, les interrogations demeurent sur la capacité des entreprises à aller accélérer le rythme des travaux.

Une facture de 400 milliards de francs

Selon l’ancien ministre des Sports, Béa Diallo, la rénovation du Stade du 28-Septembre et son extension jusqu’à la piscine olympique nécessiterait un budget de 400 milliards de francs guinéens (plus de 46 millions de dollars américains). Les ouvriers s’activent, les machines tournent à plein régime, mais le rythme semble lent, pour espérer une livraison rapide.

Les responsables de Guicopres et du chantier refusent de nous parler. L’accès au site est interdit aux médias, selon un employé de la société. Nos tentatives de joindre le chargé de communication de l’entreprise, Christian Desco Condé, sont restées vaines. Au téléphone, un certain Baldé, qui se présente comme étant le directeur du chantier, a souligné que Guicopres subit une pression, pour accélérer les travaux, sans préciser de la part de qui. Il promet que le site sera « ouvert aux médias, une fois un niveau d’avancement plus significatif atteint, afin de montrer des images plus reluisantes du stade ».

Le 28 septembre dernier, lors du lancement de la Coupe de la Ligue, le ministre de la Jeunesse et des sports, Kéamou Bogola Haba, a essayé de rassurer sur la finalisation des deux chantiers l’année prochaine. « Le ministère s’engage avec la Fédération guinéenne de football, la Ligue guinéenne de football professionnel et le gouvernement, pour que les stades soient remplis. Parce qu’en 2025, nous aurons deux grands stades. Et comment remplir les stades ? Il faut commencer maintenant ».

Les délais convenus paraissent intenables. Si la Guinée espère renouer avec les compétitions à domicile, offrir aux Guinéens la possibilité de revoir le Syli national jouer à Conakry, il lui faudra redoubler d’efforts pour répondre aux exigences de la CAF et de la FIFA.

Abdoulaye Pellel Bah