Le procès qui oppose Mohamed Diané à l’État guinéen s’est poursuivi le 23 octobre devant la Chambre de jugement de la Cour de répression des infractions économiques et financières. L’audience a été consacrée aux plaidoiries et réquisitions. La partie civile plaide la confiscation au profit de l’État de tous les biens de l’ancien ministre de la Défense et le paiement de dommage et intérêt d’une misère de 500 milliards de francs glissants. Le parquet spécial a requis 5 ans de gnouf.

Dans cette affaire, les débats sont clos sans que le prévenu ne pipe mot sur ce qui lui est reproché, à savoir les chefs d’accusation de « corruption d’agent public, détournement de deniers publics, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux ». Il jure de ne piper mot dans ce procès qu’en tant qu’homme libre. Arguant qu’il bénéficie de deux ordonnances de mise en liberté rendues par la Chambre de contrôle de l’instruction de la Crief et un arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO. Mais sa volonté risque de ne point se réaliser.

Face au refus de parler de Mohamed Diané, la Cour oppose plaidoiries et réquisitions ce mercredi 23 octobre. Pendant près d’une heure, les avocats (sans vinaigrette) de l’Agent judiciaire de l’État se sont évertués à démontrer que l’ex lieutenant d’Alpha Grimpeur a bien malmené les caisses de l’État durant leur règne. Selon Maître Pépé Antoine Lama, le prévenu, chargé des cours de Biologie avant 2010, n’a touché qu’entre 10 et 13 millions de francs glissants comme salaire mensuel, pendant ses 10 années de ministre. Il estime que le salaire du prévenu ne peut en aucun cas lui permettre d’acquérir tous les biens qui font aujourd’hui objet de procédure. Il cite, dans le cas du chef d’inculpation de corruption d’agent public, le fait que Mohamed Diané avait passé un marché d’achat de 28 pick-up double cabine avec la société Djoma S.A, en violation de la procédure : « Ce marché seul est de 11 milliards de francs guinéens. Il ne doit pas passer un marché en violant les règles du Code des marchés publics. Le ministre de l’Economie de l’époque s’était opposé au processus, mais le prévenu s’est obstiné et a fait ce qu’il veut », assène l’avocat de l’Etat.

Sur le détournement des deniers publics, la partie civile s’appuie sur la gestion « peu orthodoxe » du budget du mystère de la Dépense et des Affres pestilentielles. Me Pépé Antoine Lama déclare que les enquêtes ont révélé un gap important : « Nous avons constaté une disparité entre l’argent alloué au ministère de la Défense et les dépenses exécutées par le prévenu. Il y a un eu un écart de plus de 500 milliards de francs guinéens. Mais le prévenu a refusé de répondre, s’est caché derrière le secret défense. »

Me Lama met aussi en exergue le fait que Mohamed Diané n’ait pas pu prouver l’origine de ses biens mobiliers et immobiliers pour ce qui est de l’enrichissement illicite. Il n’aurait pas, selon l’avocat, démontré l’origine des fortes sommes d’argent trouvées dans ses 5 comptes bancaires, de ses 30 domaines bâtis et non bâtis à Kankan, de plusieurs autres immeubles à Cona-cris : « Il a failli acheter toute la ville de Kankan », déclare l’avocat.

Parlant du blanchiment des capitaux, la partie civile estime que les avoirs financiers et les biens immobiliers et mobiliers de Mohamed Diané ont été obtenus par « des procédés délictuels. Sa culpabilité est établie. »

Sur le préjudice que l’État guinéen prétend avoir subi à travers les actes posés par le prévenu, l’avocat de l’Agent judiciaire de l’État demande « le paiement de 500 milliards de francs guinéens à titre de dommages et intérêts. Tous ses biens sont le produit de la corruption. Nous vous demandons de les confisquer, de les restituer à l’État. Vous devez rendre une bonne décision pour qu’elle serve de mise en garde même pour ceux qui nous dirigent aujourd’hui et qui se livrent à la même pratique. Ils doivent comprendre à travers cette décision qu’ils vont rendre des comptes. »

Le parquet requiert la condamnation du prévenu

Le mystère public abonde dans le même sens. Il se dit convaincu que le prévenu est coupable de toutes les infractions articulées contre lui. Le substitut, Malick Marcel Oularé, rappelle que Mohamed Diané, contrairement à la barre où il refuse de parler, avait coopéré à la gendarmerie et devant le juge instructeur : « Il a donné des explications par rapport à toutes ces infractions. Mais il n’a rien pu démontrer. Il comprend qu’il ne s’en sortirait pas, il opte pour le silence. Pour nous, Mohamed Diané est coupable de tout ce dont il est accusé ». Il requiert la condamnation du prévenu à 5 ans d’emprisonnement et à 5 milliards de francs glissants d’amende.

A l’issue de ces réquisitions, Mohamed Diané prend la parole pour dénoncer une nouvelle fois ce qu’il appelle la violation de ses droits dans le procès : « Je ne me considère pas comme partie prenante de cette procédure. Je continue à exercer mon droit au silence, jusqu’à ce que je bénéficie d’un procès juste et équitable. » Les avocats de la défense, eux, ont brillé par leur absence.

L’affaire est mise en délibéré pour décision être rendue le 18 décembre prochain.

Yacine Diallo