24 octobre 1997-24 octobre 2024, il y a 27 ans, nous quittait à jamais, l’as du micro que fut Boubacar Kanté. A la faveur du vingt septième anniversaire de cette tragique disparition, nous lui dédions une pieuse pensée, afin d’évoquer son intarissable souvenir. Fauché par la mort à la veille de son retour définitif au pays, pour prendre en charge le bureau de presse de la présidence. Boubacar Kanté est parti sans avoir pu accomplir tout ce qu’il entrevoyait.
A la veille de son retour à Conakry, le 22 octobre 1997, un confrère Ivoirien s’est entretenu avec Kanté, qui sans le savoir (hélas), allait confier ses dernières paroles à un journal. Nous publions ci-après des extraits de cette poignante interview.
‘’…Boubacar Kanté s’en va. Ce vendredi 24 octobre il va en Guinée. Définitivement ? Sans doute. Après avoir passé plus de deux décennies d’exil en Côte d’Ivoire. Il vient d’être nommé en Guinée, au poste de directeur du bureau de presse de la présidence de la République. Le mercredi 22 octobre dernier, il avait sans doute fait déjà sa valise, prêt pour le vol de ce soir. Prêt pour prendre du service en Guinée, sans perdre de temps. Dans son salon, nous avons trouvé Bouba au milieu de ses amis parmi lesquels Yves Zogo Junior Kaloua. Avec eux, il partageait le déjeûner…d’au revoir. Tout décontracté et enfilé dans un ensemble sport, il affichait un enthousiasme certain quand il nous recevait.
Nous avons appris à l’instant même que vous avez été nommé à un important poste de responsabilité en Guinée ? De quoi s’agit-il ?
Bon, j’ai été nommé par son excellence, le président Lansana Conté comme directeur du bureau de presse de la présidence de la république de Guinée. Je voudrais profiter de votre journal d’abord pour remercier le chef de l’Etat de Guinée, de cette responsabilité importante. C’est vrai que je suis dans les choses du sport. Mais je reste toujours dans le cadre du journalisme qui va être fortement teinté de politique.
De quoi vous occuperez-vous précisément en Guinée ?
De l’image de marque d’un pays, et surtout de gérer celle du chef de l’Etat. Vous voyez que c’est trop de responsabilité pour moi. Je la mesure à sa juste valeur et demande la prière des Ivoiriens dont le pays est ma patrie d’adoption, pour m’aider à réussir dans cette nouvelle fonction.
En fait la bonne nouvelle, comment l’avez-vous apprise ?
C’était hier (mardi 21 octobre 1997 : NDLR) à ma descente d’avion. Je revenais de Libreville au Gabon. Aux environs de 20h30 GMT. J’étais à la maison avec ma famille et des amis, lorsqu’un coup de téléphone émanant de l’une de mes sœurs pleurant de joie a retenti de Conakry pour m’annoncer la bonne nouvelle. C’était à la suite d’un décret présidentiel. Ensuite, j’ai eu le privilège d’avoir reçu au même moment un certain nombre de coups de téléphone, de fax, toute la nuit, des amis et de ceux que je considère ici comme mes enfants dont Yves Zogbo Junior. Ils ont été les premiers à me manifester leur sympathie. Et depuis ce matin (mercredi 22 octobre) ces appels n’ont pas arrêté pour moi. Ça m’a beaucoup touché.
Dites, Bouba, comment est-elle arrivée cette nomination ? Vous y attendiez-vous un peu ?
Non, je peux dire que, depuis son avènement, le président Conté m’a toujours pris en sympathie. J’ai eu la chance de bénéficier d’un passeport diplomatique qu’il m’a donné. Il ne m’a jamais demandé un service. Donc, je ne pense pas avoir dérangé le président de la république. Il m’a toujours reçu avec beaucoup de considération en Guinée. De même que ma famille a bénéficié du même égard de la part du chef de l’Etat. Sinon, je n’ai rien préparé. Je suis resté moi-même depuis mon recul par rapport aux choses du sport. Mon public, dans mon pays a gardé intacte son amitié pour moi. Chaque fois que je vais là-bas, je prends le micro à l’antenne, à la radio comme à la télévision. Je vous explique là que je suis intact en Guinée.
Vous partez, mais quel souvenir garderez-vous des Ivoiriens qui vous ont aimé ?
Je pars, mais je reste comme disait de Gaulle. Les Ivoiriens doivent savoir qu’en Guinée, ils auront un ami, un parent. Dans les plus petits villages de ce pays, j’aurai un clin d’œil vers eux. Je voudrais profiter ici de votre journal qui m’a beaucoup soutenu- je pense à mon ami Tonga Béni- pour dire merci, grand merci à tous mes amis, à tous ceux qui m’ont aidé. Certains ne voudront pas que je les nomme ici, par modestie. Mais je les remercie infiniment. Cependant, il y a des gens extrêmement importants que je vais citer. C’est une catégorie de famille pour moi. Je commence par M. et Mme Bion. Pendant deux ans et demi, ils ont beaucoup fait pour moi. Beaucoup d’Ivoiriens savent l’histoire. Mais quand ma vie était en danger, je ne serais pas arrivé en Côte d’Ivoire si je n’avais pas bénéficié du visa du président Houphouët Boigny. Mille fois merci à M’Bahia Bié Kouadio, à Me Roger Ouégnin. Je n’oublie pas Simplice Zinsou avec qui j’ai parfois eu des incompréhensions et un certain nombre de choses. Mais qui reste tout de même un grand ami, un bienfaiteur. Pour terminer, je remercie le général Tanny. Pendant les cinq dernières années, il m’a été très utile. Quand ça allait bien ou mal, Abdoulaye Diallo m’avait toujours ouvert sa porte. Je lui dis grand merci.
Merci à tous et à toutes. J’ai la reconnaissance du ventre. Je saurai m’en souvenir. La Côte d’Ivoire demeure et demeurera ma patrie d’adoption.
Propos recueillis par Valéry KELLY