La nomination des chefs de quartier et de district est le coup de grâce de notre démocratie malade depuis plus d’une décennie. L’expérience démoncratique aura duré près de 30 ans. Durant ces trois décennies, l’élite guinée-haine a montré que la démocratie est avant tout un état d’esprit, elle ne se décrète pas. Une démocratie sans démocrates, un leurre.

Dans son obsession d’emboîter le pas aux deux premiers présidents de la République de son pays – qui ont quitté le palais pour le cimetière – le nouveau Timonier ne fait pas de détails. Après avoir délogé le chef de l’Etat, renvoyé les maires de commune, fermé les médias privés qui fourraient leur nez dans la gestion peu orthodoxe du pays, il prend possession de la base. Les chefs de quartier, majoritairement issus de l’UFDG et du RPG, cèdent la place aux esprits CNRD. Le dernier symbole de la pluralité politique rejoint ainsi tous les autres au cimetière de notre démocratie.

Il aura fallu 3 ans au CNRD pour devenir seul maître à bord. Preuve, s’il en était besoin, que notre histoire nous suit comme notre ombre. Cette histoire faite d’un chef incontesté et incontestable, qui a droit de vie et de mort sur les citoyens, qui rêvent de temps en temps de vivre dans un Etat de droit. Réclamant – et obtenant parfois – plus de liberté et de démocratie. En 2007, ils ont même fait plier un chef militaire. Malade tout de même.

En 2010, au prix de nombreuses vies, le treillis a cédé le fauteuil présidentiel au costume et à la cravate. Mais ce si vil n’a pas su contenir son euphorie. Confirmant le vieil adage selon lequel il y a deux types de démence : obtenir ce qu’on jamais rêvé ou perdre ce qui est à portée de mains. Le pro-fossoyeur était dans le premier cas. Avec le recul, on peut affirmer sans risque d’être démenti que si sa gestion avait été différente de celle de ses prédécesseurs, la Guinée aurait fait l’économie du 5 septembre. La légitimation du meurtre par le pro-fossoyeur, pourqui « partout où il y a le troisième mandat il y a eu des morts » a été une communication catastrophique et fatale pour son auteur. Cette revendication et le nombre effroyable de morts à la suite de la répression politique ont fini par convaincre les bidasses qu’entre eux et les si vils, il n’y a pas de différence, ou peu ou prou.

De fil en aiguille, le CNRD a pris goût du pouvoir. L’engagement du 5 septembre semble caduc. Notre Doum-bouillant aurait lu l’écri-vain et dramaturge André Birabeau : « Prendre un engagement solennel pour un homme d’Etat, c’est s’engager à vous dire solennellement plus tard qu’il n’a pas pu le tenir ». Comme ses prédécesseurs, notre général nous dira demain que sa candidature est une demande sociale. Comme homme qui est à l’écoute de son peuple, qu’il n’a pas de choix que d’acquiescer à cette demande.

Depuis 1993, nous allons assister une sélection présidentielle dont les résultats sont connus d’avance : un score brejnévien, mieux, kagaméen. L’opposition -ou ce qui en reste de la purge actuelle- n’aura que les yeux pour pleurer. Jamais, depuis le début du processus de démocratisation, la Guinée n’aura connu recul démocratique comme aujourd’hui. Depuis un peu plus de trente ans, c’est pour la première fois que le pays ne compte aucun contre-pouvoir. C’est le retour du parti unique, avec la pensée propre au système inique.

Ironie de l’histoire, le RPG, qui avait entrepris de dissoudre toutes les voix dissonantes, proteste. Connaissant le rôle joué par le syndicat et la société civile à la fin de règne de son adversaire de toujours, quand l’opposant histo risque accède au pouvoir l’une de ses priorités a été d’affaiblir les entités qui ont donné du grain à moudre à ses prédécesseurs. Devant les manœuvres dilatoires de l’animal politique, le syndicat ne tardera pas à vaciller. Quant à la société si vile, elle devient une échelle pour se hisser au sommet. Alpha Grimpeur avait fini par ancrer dans la tête de nombreux responsables de cette société civile ou de journalistes qu’il faillait dénoncer de manière équilibrée le pouvoir et l’opposition. Ceux qui ne se conformaient pas à la volonté de Sékhoutouréya étaient taxés de militants de l’opposition.

Les choses étant ce qu’elles s’annoncent, une élection présidentielle quand il n’existe aucun contre-pouvoir de la base au sommet ne sera qu’une formalité. Devant une telle perspective, des observateurs estiment que le pays devait faire l’économie d’un tel scrutin. Pour nous épargner nos maigres ressources et les vies humaines que menace la crise pré et postélectorale.

Habib Yembering Diallo