La chose est assez rare pour être soulignée : un ministre guinéen publie un livre après son départ du gouvernement. D’Amadou Thierno Diallo, dernier ministre de la Coopération d’Alpha Condé, l’autobiographie, Un fils du terroir, est un véritable chef-d’œuvre. L’auteur vient d’organiser la dédicace de ce livre dans la capitale française.

Dans un style simple mais pas simpliste, Amadou Thierno Diallo fait voyager le lecteur à travers les 5 continents. Il commence par la douleur consécutive à la disparition de son ami et modèle qui n’est autre que son père, El Hadj Maladho Diallo, décédé en octobre 2015 et enterré dans son village natal à Bamikouré, Timbi-Madina, Pita. Ensuite, M. Diallo décrit avec émotion son retour aux sources 50 ans plus tard, une façon de pèlerinage à Saréboïdho, préfecture de Koundara où il est né.  

La visite de cette localité, située entre la Guinée, le Sénégal et la Guinée-Bissau, s’est effectuée sur le chemin du retour du Sénégal. Ironie de l’histoire, celui qui avait réussi à dégotter le financement des travaux de la route Labé-Koundara-Madina-Gounasse au Sénégal quand il était à la Banque islamique de développement, se voit refuser de traverser la frontière guinéo-sénégalaise sous prétexte qu’on ne traverse pas le poste frontalier après 18h. Obligé de passer la nuit en brousse avec l’embarras du choix entre une mosquée, isolée, une hutte et étoiles. De crainte des serpents et bêtes sauvages, il a dû dormir dans la hutte sur lit en raphia. Ce fonctionnaire international a eu de l’empathie pour les nombreux citoyens lambda qui traversent quotidiennement cette frontière.

L’autre épisode évoqué dans ce livre, est le contexte complotiste dans lequel a grandi l’auteur. Intégré dans la milice populaire censée contrer « l’agression portugaise », il se rendra vite compte que cette duperie n’avait d’autre objectif que d’emballer la population afin de maintenir un climat de peur et de terreur. L’ado de Diallo gardera à vie l’image des deux pendus à Pita. Il se souvient aussi de sa poignée de main avec Sékou Touré à Dinguiraye.

Le fils du terroir revient sur son enfance et son adolescence toutes de passion et de rêve. Comme la lecture, l’écoute radiophonique, le sport ou encore l’amour fou qu’il a eu pour une camarade de classe à l’institut des mines de Boké. Parlant de l’amour justement, l’auteur met à nu certaines pratiques ancestrales comme consulter un marabout avant d’entreprendre tout projet. Dans son cas, c’était le mariage. Et contrairement aux allégations d’un voyant, qui avait prédit sa mort, il se mariait avec celle qui deviendra sa femme, sa famille se rendra compte que le fameux marabout tirait la couverture, voulait que le jeune, diplômé, issu d’une bonne famille épousât sa propre fille.

Autre moment palpitant de ce livre, est l’odyssée de l’auteur pour le Liberia. Angoissé par l’idée être arrêté et ramené en Guinée par la milice révolutionnaire, le jeune Amadou Thierno Diallo ne recule pourtant devant aucun obstacle. Grâce à la baraka des parents, il parvient à Monrovia où vivait sa grande sœur. De cette ville d’où il comptait partir pour la Côte d’Ivoire avant de continuer pour la France, l’auteur sera ramené en Guinée. Non pas par la milice du PDG mais par son beau-frère. On avait expliqué à ce dernier qu’il devait choisir entre son beau-frère et son beau-père. S’il aidait le premier à voyager le second serait très fâché. Du coup, il renonça et annonça à Amadou Thierno Diallo qu’il devra retourner à Timbi-Madina, obtenir l’accord des siens avant d’entreprendre tout projet de voyage.

Après ses études universitaires, Amadou Thierno Diallo voulait travailler à la CBG à Kamsar. Le destin le conduira à FRIGUIA Fria. C’est de cette ville, où il concilie travaille et formation en langue anglaise, que le futur se dessine. L’ingénieur des mines s’envole pour les Etats-Unis où il obtient le Master 2 avant de faire un MBA en finance publique. Durant son séjour américain, M. Diallo a connu la bienveillance des uns et le racisme des autres. D’où il conclue que le rêve américain est un mirage.

Il s’envole pour Djedda en Arabie Saoudite au siège de la Banque islamique de de développement. Mais, il doit faire face à la dure réalité du monde arabo-musulman. Le fonctionnaire international et de surcroît musulman pratiquant, ne jouit pas des mêmes avantages qu’un Saoudien. Notamment de la liberté, basique comme l’obtention d’un permis de conduire. Le citoyen du monde se rend compte que l’idéal n’existe nulle part.

Aux Etats-Unis, au Canada, à la Banque islamique de développement à Djeddah, à la Banque africaine de développement à Abidjan puis à Tunis, le cadre guinéen est confronté au racisme et aux coups de vache. A la lecture de ce livre, on se dit que les institutions internationales ressemblent parfois à une jungle dans laquelle les plus forts dévorent les plus faibles.

À la fin du livre, l’auteur revient, chiffres à l’appui, sur les immenses ressources du sol et du sous-sol de la Guinée. Il met l’accent sur l’indispensable intégration sous régionale afin de sortir le continent noir de la pauvreté et de la misère.

La biographie se termine sa biographie par un chapitre douloureux : la maladie et la mort de son fils, El Hadj Aliou, à la fleur de l’âge. Ce chapitre est interdit aux âmes sensibles, l’auteur décrit la tristesse qui est la sienne quand le médecin lui annonce que son fils aîné est condamné. D’où son amère interrogation : pourquoi lui et pas moi qui ai goûté à tout, pour paraphraser Georges Moustaki.  « Un fils du terroir », voilà un livre qui touche à tous les aspects de la société.

Habib Yembering Diallo