La polémique autour de l’existence d’une deuxième Coordination régionale en Moyenne-Guinée est loin de s’estomper. Soupçonnés de rouler pour le pouvoir en place, les responsables de la Coordination nationale de la Moyenne-Guinée se défendent.
A l’image des trois autres coordinations régionales du bled, la Coordination nationale des fulbhè et haali pular de Guinée (CNFHPG) pourrait être confrontée à une concurrence. Jusque-là méconnue du grand public, la Coordination nationale de la Moyenne-Guinée (CNMG) sort du bois. Une concurrente à la CNFHPG ? Rien n’est moins sûr. Mais cette structure est décidée à marcher sur les plates-bandes de l’autre. Ses responsables clament n’avoir peur ni de la pression ni des regards hostiles. Elle se dit focus sur les intérêts des fils du Fouta oubliés, voire méprisés par la CNFHPG.
Intérêts égoïstes, problèmes politiques
La Coordination de la Moyenne-Guinée existerait depuis 1996, tirée du mouvement Manding-Djalon. Elle aurait vu jour grâce à l’ancien dépité, feu Diawo Kanté et un certain docteur Traoré, tous deux promoteurs du Manding-Djalon. Elle était dirigée au début par Mamadou Samba Diallo, connu sous le nom ‘’Diallo Samba Démoudoula’’. A sa mort, El Hadj Savané, l’actuel président, a pris les rênes. Cette coordination réunit principalement des hommes politiques, leaders sociaux et des associations comme « Fouta-maninka, Djalonkadougou…», qui n’ont pas trouvé place au sein de la CNFHPG. L’idée de sa création est venue du fait que la Coordination nationale des fulbhè et haali pular de Guinée « flirte, depuis des années, avec l’UFDG » de La Petite Cellule Dalein Diallo, déclare Thierno Daddè Bah, proche d’El Hadj Savané. Or, la majorité des membres de la CNMG militent dans des partis politiques, l’UPR de Bah Oussou Koutchioun notamment, qui ne file pas le même coton avec l’UFDG. Le reste des membres auraient décidé d’y adhérer à cause des « discriminations liées à certaines pesanteurs sociales et culturelles au Fouta. Nous sommes marginalisés à cause de cette histoire de Missidè et de roundès. On nous montre par les actes que nous n’avons pas de place dans la coordination », ajoute-t-il. Frustrés, ils se sont donc retrouvés pour se créer leur coordination. Leur objectif, défendre les intérêts des fils du Fouta « marginalisés ».
Mais en réalité, la marginalisation n’est pas la seule source d’incompréhension. La principale cause est politique : le contrôle de l’électorat du Fouta. La CNMG ne cache pas son engagement en faveur de l’UPR, elle le revendique même. Or, ses membres voient ceux de la CNFHPG comme acquis à l’UFDG. Alladjéyi Bah, membre fondateur de la CNMG, les accuse d’étouffer toute opinion divergente. Impossible donc de ne pas s’organiser pour contrecarrer les plans de l’adversaire : « On t’écarte automatiquement si tu ne fais pas l’éloge de Cellou Dalein, c’est lui ou personne d’autre. On n’ose même prononcer le nom d’un autre leader quand ils sont là. Pourtant, nous avons nos partis politiques, nous ne pouvions pas les laisser faire. »
La division s’accentue à partir de 2007, quand La Petite Cellule Dalein prend l’UFDG et l’UPR de ses responsables et militants : « Bah Ousmane a été trahi, ils l’accusent de beaucoup de choses pour le discréditer. Tous les membres du bureau de l’UFDG, tous les bailleurs de fonds étaient de l’UPR », déclare Alladjéyi Bah. Malgré cet épisode, tout le monde se retrouvait des fois sous la houlette de feu El Saïkou Yaya, ex-prési de la CNFHPG, pour se parler, mais ils ont décidé d’écarter tous ceux qui ne sont pas de l’UFDG », fulmine-t-il. Pour la revanche, rappelle Alladjéyi Bah, son groupe se rapproche du Manding : « Nous sommes allés à la Coordination de la Haute-Guinée, on a scellé une alliance en faveur d’Alpha Condé. » Ils créent l’Union du Fouta pour Alpha Condé. C’est avec cette structure que la Coordination de la Moyenne-Guinée a battu campagne pour le Grimpeur, contre espèces sonnantes et trébuchantes : « Alpha finançait tout. A chaque fête, il nous donnait 50 millions de francs guinéens, du riz et des bœufs. Il a beaucoup fait pour la Coordination », se glorifie Alladjéyi Bah. La tension entre les deux structures est latente jusqu’au jour du symposium en l’honneur de feu El Hadj Sékhouna Soumah, le 4 novembre au Palais du peuple de Conakry.
Accointances avec le CNRD
La Coordination nationale de la Moyenne-Guinée est soupçonnée d’être derrière des manœuvres pour couper les ponts entre la junte et la CNFHPG. C’est dans ce cadre qu’elle aurait réussi à parler au nom du Fouta le 4 novembre au Palais du peuple. Alladjéyi Bah ne nie pas les démarches pour être dans les grâces du CNRD : « On ne va jamais haïr un pouvoir, on cherche à travailler avec tout le monde. Nous n’avons rien à leur reprocher. » Thierno Daddè Bah de renchérir : « Ce sont nos amis, nos parents. Ce sont des Guinéens, pourquoi ne pas travailler avec eux ? »
Marginalisation dans la marginalisation
Au moment où la CNMG mène le combat contre sa concurrente, elle-même est en proie à des querelles internes. Ces derniers mois, une horde de retraités envahit la structure pour en faire leur chose et tenterait d’écarter les fondateurs. Les membres de ces arrivants sont soupçonnés de l’utiliser pour tirer des bénéfices politiques. Alladjéyi Bah promet de les mettre à la déroute : « Ce sont des opportunistes qui nous prennent pour des fous, mais nous allons très bientôt les mettre à la place publique. » Une chose est sûre, la bataille pour les postes et privilèges fait rage actuellement.
Yacine Diallo