Toumani Sangaré, « le Général des élections, » et… d’Aviation à ses heures perdues est décédé dimanche 17 novembre 2024, à l’âge de 69 ans. Le natif de Sikasso aura piloté plus de scrutins que d’aéronefs le long de sa carrière. Il aura fréquenté plus de couloirs politiques que de cockpits. Président du Réseau des Compétences Électorales de la Francophonie, il a fourbi ses armes à travers les nombreuses démocraties balbutiantes d’Afrique de l’Ouest, notamment en Guinée, au Togo et à la DGE, la délégation générale électorale de son vaste Mali natal. Paix à son âme !

Ses admirateurs regrettent son départ pour l’au-delà sans avoir rédigé ses mémoires. Ceux qui l’ont côtoyé dans les méandres de sa carrière d’expert électoral se font beaucoup plus discrets. En Guinée, la complexité de sa mission a  carrément juré avec la morale pure. Ce Général s’est vu confier la lourde tâche d’organiser une présidentielle « libre, juste, transparente, acceptée de tous. » Le vocabulaire électoral de la région africaine n’a pas trouvé à redire. La réalité du terrain, « la classe politique du pays, « la plus bête d’Afrique, » selon feu Jean Marie Doré, ne pouvait qu’y laisser ses plumes.

Le tout premier coup de sifflet des opérations fut donné à l’Hôtel Ouaga 2000 en 2009, sur convocation du Beau Blaise, l’ex tout puissant patron du Faso et ami intime du non moins puissant Alpha Condé. L’ensemble de la classe politique et syndicale guinée-haine s’y retrouva en ordre décroissant, les plus petits faisant le plus grand bruit. De fil en aiguille, l’organisation de la présidentielle en Guinée tombe entre les mains de « la Communauté internationale. » C’est presque à bon droit que la Francophonie s’en empare pour y placer ses pions africains. Général Sangaré, Malien pur-sang, préside avec une illégalité et une dextérité remarquable aux destinées de la Commission Électorale Guinéenne. Personne ne pipe maux, non même ceux que l’on a trichés à ciel ouvert. Rencontré plus tard à Accra, Général Toumani félicitera les Guinéens pour leur « amour tyrannique » pour la paix, après que Jean Ping, alors à la tête de l’Union Africaine, a reconnu qu’en tout cas, « nous avons installé Alpha Condé à Conakry. »

En 2015 au Togo, Général Sangaré n’a pas déçu non plus. Toutes les prévisions se sont réalisées, l’ordre maintenu, les bouleversements évités. Contrairement à Cona-cris, la bamboula des urnes ne s’est manifestée qu’au dépouillement. « La méthode Yombo, » simple à souhait, marche à merveille. Il pouvait difficilement en être autrement, puisque le scrutin à bulletin unique, alors en vigueur, « devait  annuler d’office tout document tacheté. » Le président Gnassingbé, Faure de la dextérité des agents électoraux chargés du dépouillement des urnes, n’a eu aucun mal à se taper la majorité absolue. Personne n’a voulu attirer l’attention du Général Sangaré sur la chevelure artificiellement noircie des « dépouilleurs. » Alors que le plus naïf des Togolais savait comment tacheter, « yomboter » un bulletin de vote favorable à l’opposition.

En 2018, il s’en est fallu de peu que « la méthode yombo » ne soit brevetée quand IBK a réservé sa première visite de président réélu à son jeune frère, Faure Gnassingbé. L’opposition togolaide avait certainement d’autres chats à fouetter que de fouiner dans des détails aussi farfelus. Surtout qu’aucun général, ni d’aviation, ni d’élections, n’avait accompagné le souverain malien à Lomé.

Diallo Souleymane