Pour faire face à l’insécurité grandissante à Conakry, les autorités démantèlent ports artisanaux de pêche, débarcadères et autres lieux jugés criminogènes. Elles interpellent aussi ceux qui y avaient élu domicile. Parmi ceux qui sont arrêtés, figurent des Sierra-léonais. Ces ressortissants ont été expulsés manu militari vers leur pays d’origine. La démarche des autorités guinéennes n’est pas du goût de Freetown.
Depuis le 10 décembre, près de 400 sierra-léonais arrêtés dans les ports de pêche et débarcadères de Conakry sont expulsés de la Guinée. Les autorités les soupçonnent de faire partie des causes de l’insécurité à Conakry, notamment dans la vente et la consommation des stupéfiants. Ils ont été ramenés dans des camions militaires jusqu’à Pamelap, frontière entre les deux pays, selon plusieurs informations. La façon d’agir de la Guinée a agacé jusqu’ au haut sommet de l’Etat Sierra-léonais. Le nouvel ambassadeur de la Guinée à Freetown l’a reconnu à l’occasion de la présentation de ses lettres de créance : «Le Président m’a notifié le renvoi de plusieurs Sierra Léonais à la frontière. Nous lui avons dit que nous mettrions tout ensemble, pour surmonter cette crise. Nous avons connu des moments plus difficiles que ça, ce n’est pas cela qui va gêner nos relations», a déclaré Julien Yombouno, nouvel ambassadeur de la Guinée en Sierra-Leone. Mais un cadre de l’ambassade de Sierra-Léone en Guinée a rétorqué : « Tout le monde veut la paix et la sécurité. Nous sommes d’accord pour que des mesures soient prises pour sécuriser la cité. Par contre, nous ne sommes pas d’accord avec les mesures de refoulement. Pour moi, les Guinéens et les Léonais sont les mêmes.»
La sortie de Julien Yombouno est loin de calmer la colère des autorités Léonaises. Entre dimanche 15 décembre et le mardi soir 17 décembre, les services de sécurité léonais se sont mis à la trousse des Guinéens résidant dans leur pays. Retour du berger à la bergère ? Ils auraient visé les lieux fréquentés par les Guinéens, pour interpeller le maximum de personnes. Des vidéos de Guinéens, embarqués dans trois camions militaires, ont fait le tour de la toile. Ces Guinéens ont échappé de peu à une expulsion, grâce à l’intervention des cadres et députés léonais d’origine guinéenne : «Les arrestations sont intervenues dans plusieurs quartiers de la capitale. Les militaires nous ont dit que c’est la réponse à ce qui passe en Guinée. Mais le problème, c’est qu’ils ne font pas le distinguo entre ceux qui ont des documents et ceux qui n’en ont pas», explique Thierno Abdoul Sow, membre du Conseil des Guinéens de Sierra-Léone. La libération de ces Guinéens a été aussi facilitée par l’antenne de la Coordination des fulbhè et haali pular en Sierra-Léone et l’ONG Tabital pulaaku international. Ces deux organisations ont réussi à faire libérer plus de 200 GUinéens. Mais la situation reste volatile sur le terrain.
Yacine Diallo