Justin Trudeau vient d’annoncer sa démission, rattrapé par des crises internes et des désillusions populaires. Retour sur les étapes marquantes de sa chute.

Justin Trudeau, symbole de modernité et de progressisme pour ses électeurs ou de wokisme pour ses détracteurs, a annoncé cet après-midi qu’il démissionnait de son poste de Premier ministre du Canada : « J’ai l’intention de démissionner, en tant que leader du parti, en tant que Premier ministre », a-t-il déclaré lors d’une allocution officielle. Une annonce qui marque la fin d’une ère pour le pays. Lors de son élection, il incarnait un vent de renouveau, promettant transparence et justice sociale. Mais après trois mandats, Justin Trudeau semble plus que jamais isolé, face à ses nombreux détracteurs, y compris au sein de son propre parti.

Scandales et érosions politiques

Alors que le Parti libéral avait été relégué en troisième position lors des élections fédérales de 2011 – une grande première pour ce parti de gouvernement –, Justin Trudeau avait été largement élu en 2015 avec 39,5 % des suffrages, obtenant 184 des 338 sièges de la Chambre des communes. Ce triomphe marquait un retour spectaculaire au pouvoir pour les libéraux.

Mais les premiers nuages apparaissent en 2019 avec l’affaire SNC-Lavalin, une controverse impliquant des pressions exercées sur Jody Wilson-Raybould, alors ministre de la Justice, pour intervenir dans une affaire judiciaire liée à SNC-Lavalin, un leader mondial dans le domaine de l’ingénierie et de la construction. Ce scandale ternit l’image d’intégrité qu’il avait soigneusement cultivée. Plus tard, la gestion controversée des fonds dédiés à l’organisme WE Charity, dans lequel sa famille était impliquée, aggrave la crise de confiance envers son gouvernement.

Une déconnexion progressive

Au fil des années, l’image de Trudeau se dégrade. Ses détracteurs le comparent souvent à Emmanuel Macron, critiquant un style technocratique déconnecté des réalités du quotidien. Une série d’événements a renforcé cette perception. En 2022, le mouvement du « Convoi de la liberté », initié par des camionneurs opposés aux restrictions sanitaires, a bloqué Ottawa pendant des semaines et attiré l’attention sur un profond malaise dans certaines franges de la population, particulièrement dans les régions rurales.

La pandémie de Covid-19 laisse des cicatrices économiques profondes. La hausse du coût de la vie et la crise du logement créent des inégalités profondes et divisent le pays.

Ce malaise a été amplifié par les accusations à l’égard de Trudeau, qualifié de « leader arrogant et distant » par des critiques comme l’ancien ministre libéral Dan McTeague, ou encore par les conservateurs qui l’ont dépeint comme « un gestionnaire dépassé par les réalités économiques ». La difficulté à dialoguer avec les provinces, notamment sur la taxe carbone, a alimenté les reproches d’un gouvernement perçu comme centralisateur et insensible.

Des appels à sa démission au sein de son propre camp

La chute de popularité de Justin Trudeau s’est accompagnée d’une série de revers politiques ces derniers mois. Dans les sondages, le chef des Libéraux est mis en difficulté avec à peine 30 % d’approbation en 2024, un niveau historiquement bas pour un Premier ministre en exercice.

Pierre Poilievre, chef des conservateurs, a saisi l’opportunité pour réclamer à plusieurs reprises sa démission, dénonçant une « incompétence chronique » dans la gestion des crises nationales.

Cette pression politique s’est intensifiée avec la démission de Chrystia Freeland, numéro deux du gouvernement et ministre des Finances, qui a quitté ses fonctions en exprimant des désaccords profonds avec la ligne politique de Trudeau. Ce départ a accentué les divisions internes au sein du Parti libéral, alimentant les appels à un changement de leadership et rendant la position de Trudeau de plus en plus intenable.

Pierre Poilievre, grand favori pour 2025

Dans ce contexte de fragilité, Pierre Poilievre s’impose comme le principal candidat au poste de Premier ministre. Librement inspirés de la ligne trumpiste, son style clivant et son ton agressif attirent autant qu’ils divisent. Avec des slogans percutants comme « Axe the tax » et des critiques répétées contre la « justinflation », il capitalise sur le mécontentement général des Canadiens envers la hausse du coût de la vie et les crises économiques.

Souvent accusé de populisme par ses adversaires, Poilievre a fait de la réduction des taxes, la résolution de la crise du logement et l’élimination des réglementations jugées inutiles les propositions fortes de son programme. Des prises de position qui, bien que polarisantes, trouvent un écho auprès d’une population lassée des politiques « traditionnelles ».

Porté par des sondages favorables, le chef des conservateurs promet une réforme en profondeur de la gouvernance canadienne. Toutefois, ses opposants craignent une dérive similaire à celle de Donald Trump, notamment sur la scène internationale, où Poilievre s’est montré critique face aux accords commerciaux.

Par Timothé Boudet