En Afrique, les élections se suivent mais ne se ressemblent pas. On alterne bonnes et mauvaises élections. On l’a vu en 2024. Ce qui s’est passé au Ghana et à Maurice n’a rien à voir avec la mascarade vécue au Mozambique. L’élection est partout perçue comme la panacée de l’option démocratique de l’alternance. Depuis les indépendances, on est corseté dans cette logique sans jamais scruter d’autres horizons. Il est évident que rien ne justifie cette perception qui fait de l’organisation de l’élection une période de vives tensions préjudiciables à la cohésion sociale et à l’unité nationale.

En 2025 comme en 2024, de nombreux scrutins seront organisés çà et là, d’ores et déjà les déclarations d’intention et les ballons d’essais sont distillés pour apprécier l’opinion populaire et juger de la direction du vent. On peut estimer sans risque de se tromper que les récents propos du Président ivoirien, Alassane Ouattara, s’inscrivent dans cette perspective. A un journaliste qui s’enquérait de ses intentions de se présenter ou non à l’élection présidentielle d’octobre prochain, il répond : «je suis en bonne santé et je suis prêt à continuer de travailler pour mon pays »

Cette phrase laisse perplexes les observateurs de la vie politique en Côte d’Ivoire. Après avoir entièrement fait trois mandats à la tête du pays, alors que la constitution n’en requiert que deux, Alassane Ouattara laisse subodorer sa prétention de briguer un quatrième mandat. Il est intéressant de rappeler qu’il n’a pu compétire à son troisième mandat qu’en recourant à un subterfuge consistant à faire de ce troisième mandat le premier mandat d’une hypothétique quatrième république. Aussi, nul n’ignore que la responsabilité du Président ivoirien a été souvent évoquée dans les multiples conflits électoraux qui ont ébranlé la Côte d’Ivoire ces 20 dernières années. Compte tenu de tous ces faits, une candidature de M. Ouattara est une menace potentielle à la stabilité des institutions et à la paix dans le pays. Il est évident que les réussites économiques et sociales des politiques publiques mises en œuvre depuis une dizaine d’années, sont indiscutables et masquent les échecs politiques. Les infrastructures économiques et sociales, autoroutes, échangeurs, hôpitaux, ponts, universités flambant neuves…sont visibles partout à travers le pays. Les conditions de vie des Ivoiriens n’ont cessé de s’améliorer. Toutefois, le pays demeure clivant sur le plan politique. Les rancœurs, les frustrations nées des affres de la guerre civile et enfin, la politique de rattrapage continuent d’effilocher le tissu social national. Les résultats de la réconciliation nationale sont mitigés. Excellent économiste, le Président du RHDP est plutôt un piètre politicien, voire un politicard.

Cette candidature, associée au lourd passif politique non encore apuré et à l’exclusion du processus électoral de quelques principaux prétendants, Gbagbo, Blé Goudé, Guillaume Soro… n’augure rien de bon, à l’horizon. A son corps dépendant voire au détriment de ses intérêts, le candidat doit y renoncer pour le plus grand bien « de la verdoyante et paisible Côte d’Ivoire. » Le Vieux ne disait-il pas que « le vrai bonheur ne s’apprécie que quand on l’a perdue ? » Il concluait, péremptoire : « Faites en sorte de ne pas le perdre ! »

Abraham Kayoko Doré