La mission de l’Organisation des Nations unies sur l’évaluation des besoins électoraux en Guinée a publié son rapport le 10 janvier. De l’interdiction de manifester sur la voie publique à la fermeture des médias, en passant par les tueries et les disparitions forcées, la mission dresse un bilan sombre de la transition.

Sollicitée par les autorités de la transition en juillet 2024, la mission d’évaluation des besoins électoraux de l’ONU s’est déroulée du 4 au 15 novembre 2024 en Guinée. Outre l’évaluation électorale, la mission a discuté avec les autorités, des acteurs politiques et de la société civile, des diplomates, des religieux, entre autres, des modalités d’une éventuelle assistance pour l’organisation du référendum constitutionnel et des élections générales.

Dirigée par Simon-Pierre Nanitelamio, la mission est intervenue dans un contexte sociopolitique tendu où la junte tend à se maintenir au pouvoir contre vents et marées. Toute voix contraire contrainte au silence ou à l’exil. Le rapport de la mission d’évaluation dénonce un manque de confiance des acteurs politiques envers les autorités de transition, absence de visibilité autour du processus électoral (sans calendrier électoral), manque d’inclusivité et de transparence dans le processus politique. La mission déplore également le retard « important » accusé dans la mise en œuvre de la feuille de route de la transition.   

« La mission a noté un effritement grandissant et inquiétant de la cohésion sociale dans un contexte croissant de tendances des autorités perçues comme autoritaires par les acteurs nationaux rencontrés et de détérioration des conditions de vie de la population.  Elle a noté une forte crispation au sein de la classe politique, une détérioration de l’espace démocratique, ainsi qu’un rétrécissement de l’espace civique et de l’Etat de droit », relève le rapport.  Ajoutant que les étapes clés de la transition politique « ne sont toujours pas respectées », tandis que les droits civils « se sont érodés » sous la junte.

La mission fustige le manque de clarté sur le retour à l’ordre constitutionnel, la participation potentielle des dirigeants de la transition à l’élection présidentielle, l’absence de consensus sur la nouvelle Constitution et le mécontentement social, alimenté par des défis socio-économiques.

Le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation a dissous des partis politiques, suspendu d’autres et mis en observation les poids lourds : Rpg arc-en-ciel, Ufdg, Ufr…. Dans le rapport, la mission onusienne craint une « ré-fermeture » de l’espace politique.   

Répression, disparition…

« La mission a noté une recrudescence de la répression de la dissidence depuis le début de la transition. Ce qui exacerbe les tensions politiques ainsi que le recours excessif et disproportionné à la force par les agents de sécurité. L’augmentation des violations du droit à la liberté d’opinion et d’expression, la fermeture des principaux médias audiovisuels privés, la recrudescence des arrestations et des disparitions forcées des voix dissidentes ont fini par créer un climat de peur généralisé au sein des acteurs politiques et de la société civile », explique le rapport onusien.

L’équipe de la mission d’évaluation des besoins électoraux en Guinée a souligné que les Nations Unies peuvent atténuer les divers risques et fournir un soutien ciblé et une contribution significative à la résolution des principaux défis auxquels le pays est confronté.

Simon-Pierre Nanitelamio et son équipe invitent le gouvernement à prendre « en urgence » des mesures de décrispation et de renforcement de la confiance en apportant des clarifications sur le calendrier de la transition et sur les disparitions forcées d’activistes de la société civile. Et de lever les restrictions sur l’espace civique et politique, y compris les médias. Le rapport suggère de faire juger ou libérer des anciens dignitaires, le retour des personnalités politiques « en exil volontaire », etc.

Dialoguer sans préalable 

La mission onusienne appelle les autorités nationales de « considérer sérieusement » l’option de révision de l’ancien fichier électoral ou celle d’établir un nouveau. « L’avantage de cette option serait de permettre la tenue du référendum et des élections générales dans des délais raisonnables », soutient le rapport, mais aussi de créer un cadre de concertation. Aux acteurs sociopolitiques de « s’engager sans conditions préalables dans un dialogue politique pour permettre de purger les questions qui sont source de tension et éviter de retomber dans un nouveau cycle de crise politique », recommande la mission.

Et de conclure que l’ONU devrait fournir un appui technique et opérationnel ciblé et limité dans un premier temps, à travers le déploiement d’experts au niveau du RAVEC et auprès du CNT pour appuyer la rédaction des lois organiques relatives au processus électoral.

Yaya Doumbouya