À la faveur d’un point de presse le 4 février, le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) a rendu public son rapport synthèse 2024 sur la liberté de la presse en Guinée. Avec 70 cas d’atteintes, c’est pire qu’en 2023.
La liberté de la presse, à l’image des autres libertés consacrées par la Charte de la transition, a pris bien des coups en 2024 en Guinée. La junte paraissant soucieuse des conditions de travail de la presse lui avait offert une Maison de la presse en 2022. Puis, elle est devenue liberticide. En 2024, les autorités de la transition ont fermé plusieurs médias critiques, restreint l’accès à des sites d’informations, suspendu des journalistes…
« 2024, l’année d’obscurantisme en Guinée », est l’intitulé du rapport synthèse du SPPG, lequel recense de cas d’atteintes « majeures » à la liberté de la presse.
Au total, 32 journalistes ont été séquestrés à la Maison de la presse ; 16 arbitrairement arrêtés et placés en garde à vue, dont deux coffrés à la Maison centrale de Coronthie. Le rapport indique que deux journalistes de média public ont été molestés à Conakry, par des militaires. « L’extrême violence des coups reçus a fait déboîter l’épaule droite de l’un d’eux », mentionne le rapport.
Sékou Jamal Pendessa, le secrétaire général du SPPG, déclare que des menaces et des tentatives d’enlèvement ont visé plusieurs professionnels de médias en 2024. Ce qui a abouti, selon lui, à l’enlèvement d’Habib Marouane Camara, le patron du site lerevelateur224.com, le 3 décembre 2024 à Conakry. « Cette façon de régler des comptes aux hommes de médias a pris de l’ampleur depuis le deuxième semestre de l’année. Au moins, quatre journalistes ont fui le pays avant le 31 décembre 2024 ». Des démarches seraient en cours pour connaître le sort d’Habib Marouane Camara. « Certainement, on aura un résultat escompté », espère-t-il.
La palme à Conakry
Au sujet de poursuites judiciaires, Sékou Jamal Pendessa affirme que deux des trois procédures intentées contre des confrères ont été traitées sur la base du Code pénal en lieu et place de la Loi sur la liberté de la presse qui les protège contre la prison.
En mai 2024, des mesures « administratives liberticides » ont entraîné la fermeture de quatre radios et deux télévisions privées (Groupes Hadafo, Fréquence et Djoma…), œuvre du ministère de l’Information et de la communication. À cela s’ajoutent deux sites d’informations fermés, trois journalistes suspendus, pour des périodes de trois à neuf mois.
« Au total, on note 70 atteintes graves à la liberté de la presse en 2024, contre 23 en 2023. Il y a donc 47 cas de plus, soit 204 % d’augmentation. Ces chiffres donnent en moyenne près de 6 cas d’actes liberticides chaque mois. Conakry a battu le triste record pour la troisième année consécutive, avec 67 cas sur les 70, soit 95,71 % des dérives enregistrées en 2024. La région de Kankan occupe la deuxième place : un cas à Kankan-ville et deux autres dans la commune urbaine de Mandiana », soutient Sékou Jamal Pendessa.
Le brouillage persiste, la lutte continue
Selon le secrétaire général du SPPG, le brouillage des ondes persiste, le rayon d’émission de certaines radios est restreint. Sékou Jamal Pendessa martèle que la lutte se poursuivra tant qu’on ne laissera pas les journalistes exercer leur profession librement. « Nous n’avons pas abandonné le cas des médias fermés, nous avons grand espoir qu’ils seront rouverts. Dans le gouvernement, des gens hésitent, mais la majorité est favorable à la réouverture des médias. Même les plus radicaux, comme le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, commencent à réaliser l’importance des médias », conclut Sékou Jamal Pendessa.
Le rapport détaillé du SPPG sur la liberté de la presse en Guinée suivra le 3 mai prochain, Journée mondiale de la liberté de la presse.
Yaya Doumbouya