Du 16 au 17 février 2025, les goubernants du continent se sont retrouvés à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, pour se congratuler, le cas échéant, prendre les nouvelles les uns des autres et parait-il parler de développement, car depuis plus d’un demi-siècle qu’ils triturent cette question, ils n’y ont pas encore apporté de réponse satisfaisante. Mais peut être à force de patience, leurs efforts seront couronnés de succès. Ne sait-on jamais !
La session de février 2025 a été dominée par des questions sécuritaires et l’élection du nouveau Président de la Commission. Le Tchadien Mahamat Moussa Fakir a libéré le kibanyi au profit du Djiboutien Mohamed Ali Yousouf après huit ans de loyaux sévices aux résultats mitigés. L’enfer est pavé de bonnes intentions ! Il laisse à son successeur deux importants conflits et une situation délétère au Sahara. Les conflits en RD Congo et au Soudan font rage.
A l’échelle de l’UA, comme à l’intérieur des Etats membres, les dirigeants gaspillent beaucoup d’énergie, intellectuelle et physique, de capital humain, financier et matériel dans des conflits au détriment des questions de développement, pourtant épineuses, cruciales.
Au Soudan, des questions d’intérêts et d’égo sous-tendent la guerre des deux généraux, anciens amis, aujourd’hui irréconciliables ; ce qui explique que le conflit ne menace pas la cohésion de l’UA. Contrairement à la chienlit à l’est de la RDC où l’intégrité territoriale et le pillage des ressources minérales de l’un par l’autre, ainsi que des proxys comme le M23 constituent les enjeux de la guerre. La complexité du sujet et les affinités politiques et régionales sont reflétées par une ligne de fracture qui divise l’organisation continentale. Car si tout le monde dénonce le Rwanda, personne ne veut le condamner. Ah, les hypocrites ! Il faut noter que dans l’UA, deux organisations régionales défendent mordicus des positions antinomiques. La communauté des Etats d’Afrique australe soutient la RDC alors que celle des Etats d’Afrique orientale se range derrière le Rwanda.
Le dialogue de sourds qui en résulte laissé très peu de place aux dynamiques de médiation. Les deux organisations avaient essayé en vain d’ajuster leurs positions l’une sur l’autre, lors d’un sommet préalable. Elles n’ont pu imposer, à Addis Abeba, une proposition de sortie de crise consensuelle. On est donc resté dans la grandiloquence, le woba-woba des majestueux cénacles, des rhétoriques fumeuses, les copier-coller, les manuelles de science Po. De l’est de la RDC, on a tout dit sauf l’essentiel. On a dénoncé l’invasion de la RDC par les rebelles et le Rwanda ainsi que leurs activités prédatrices.
Curieusement, malheureusement, on a délibérément refusé de condamner les prédateurs, pourtant dénoncés unanimement. Le communiqué final n’a même pas daigné demander au Rwanda et à ses comparses, les rebelles du M23, de partir. Si la conférence des chefs d’Etats et de gouvernement exige le retrait des prédateurs de la RDC, c’est parce que leur présence sur des terres d’autrui est inacceptable. Pourquoi alors tourner autour du pot, comme des maraudeurs dans des contorsions langagières alambiquées. Paul Kagamé fait-il si peur ou a-t-il tant d’aura que personne ne veut s’attirer son courroux ? Allons donc ! Comment Cyril Ramaphosa peut-il hésiter à lui cracher les quatre vérités surtout s’il enfreint des valeurs basiques de l’Unité Africaine telles que l’étanchéité des frontières héritées de la colonisation, l’intégrité territoriale. Le dernier sommet de l’UA ressemble au précédent, nos Pontes amusent la galerie. Cette fois-ci, ils se sont bien moqués de la RDC et de ses grosses légumes pourris. Mais envers du décor, le monde entier les a moqués.
Abraham Kayoko Doré