La semaine passée, le Président ghanéen, John Dramani Mahama, a empoigné son bâton de pèlerin de la paix pour tenter de ramener à la maison CEDEAO les trois enfants terribles qui s’en sont échappés. Avant son odyssée Sahélo-Sahélien, il s’est avisé de passer par la case de son voisin et Tokora, Alassane Dramane Ouattara, pour prendre conseils. Mais de quoi va-t-il papoter avec les putschistes malien, nigérien et burkinabé ?
Il s’arme de deux propositions au lourd contentieux qui traverse la CEDEAO et d’une préoccupation subsidiaire qu’il évoquera éventuellement. Encore une fois, la crise actuelle de la CEDEAO illustre parfaitement la difficulté des Etats africains à respecter leurs engagements traduits dans les textes officiels. La charte de la CEDEAO et le Protocole additionnel sur la gouvernance condamnent sans appel toute alternance sans élection par putschs, militaire ou constitutionnel, et précisent les sanctions contre les contrevenants. Ces sanctions sont connues de tous. Nul n’est censé ignorer la loi, non ? Sur quel argumentaire se fondent Goïta, Tiani et Traoré pour dénoncer leur appartenance à la CEDEAO et justifier la création de l’AES ? Ils évoquent la sévérité des sanctions de la CEDEAO à leur égard après qu’ils se sont emparés du pouvoir par la force. Ces hauts gradés de l’armée pouvaient-ils ignorer les sanctions que la CEDEAO leur a infligées ? Certainement non. Pourquoi s’en offusquent-ils alors ? A vrai dire, ils ne sont pas respectueux des pratiques de la bonne gouvernance en vigueur à la CEDEAO et voudraient s’en libérer en créant leur propre organisation.
A présent, le Président ghanéen est ouvert à l’alternative suivante : leur retour à la CEDEAO ou leur reconnaissance par celle-ci, assortie d’un cadre commun de coopération gagnant-gagnant. D’ores et déjà, on subodore que les deux options ne rencontreront pas l’assentiment des deux groupes protagonistes. L’AES répète à satiété l’irréversibilité de son acte, fondé sur un souverainisme à tout crain. Elle accuse à raison ou à tort certains membres de la CEDEAO d’être de mèche avec des puissances étrangères pour la déstabiliser et la mettre en coupe réglée. Comme les États de l’AES appartiennent tous à l’espace francophone, le bouc émissaire est tout trouvé : l’ancienne métropole, la France. Accablée de tous les péchés véniels et mortels, vouée aux gémonies.
Ah, si le ridicule pouvait tuer, beaucoup de nations africaines disparaitraient ! La pugnacité actuelle des Etats de l’AES à l’endroit de la France qu’ils subodorent à la manœuvre derrière la CEDEAO pour leur nuire est un obstacle rédhibitoire à leur retour. Le développement harmonieux de relations saines entre la CEDEAO et l’AES ressemble fort à un déni de bonne gouvernance et une prime à la gouvernance sans rigueur, laxiste et inefficace. Et cela interroge le devenir de la CDEAO. Si cette organisation régionale, dont les acquis sont certains, doit se résoudre à collaborer, dans des conditions défavorables, avec des États qui en ont claqué la porte, cela nuirait à son prestige, à son efficacité et encouragerait de nouveaux pied-de-nez. Faut-il dès lors, ouvrir la boite de pandore ?
On peut aussi soupçonner John Dramani Mahama de rouler tout bonnement pour son cher Ghana et pour soi-même. Ne sait-on jamais !
Abraham Kayoko Doré