Trois des Etats fondateurs de la CEDEAO (Burkina Faso, Mali et Niger) ont rompu l’alliance et quitté les organes communautaires. Ils justifient maladroitement ce divorce par l’application des sanctions prévues par la charte de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest, CEDEAO, à l’endroit des coupables de coups d’Etat militaires ou constitutionnels. Une attitude communément partagée par les Etats au sud du Sahara. Leur posture traduit le peu de respect accordé à l’application de la loi et à l’observation de la bonne gouvernance. Les responsables de ces trois pays auraient tout bonnement voulu échapper à la rigueur du principe édicté en commun. Dura lex Sed lex.

Se prévalant des notions vaseuses de souverainisme et de panafricanisme, Assimi Goïta du Mali, Ibrahim Traoré du Burkina Faso et Abdourahamane Tiani du Niger font perdre à leurs populations les avantages concrets, réels et objectifs qu’offrent les nombreuses opportunités d’une organisation telle que la CEDEAO, en dépit de ses insuffisances. Depuis leur départ de la CEDEAO, les dirigeants de l’AES se sont découvert des talents d’idéologues et de révolutionnaires, dignes de l’ère de la décolonisation. Leurs discours politiques transpirent leur amertume de n’avoir pas participé aux combats de la décolonisation. Comprennent-ils seulement que la décolonisation n’était-elle pas une fin en soi mais un processus, un long processus ? Il leur est toujours loisible d’y contribuer à d’autres moments. Le célèbre écrivain et philosophe Français, Jean-Paul Sartre a écrit : « On ne choisit pas son temps, on se choisit dans son temps ».Il n’y a donc pas à pousser des jérémiades lorsqu’on n’a pas participé à un moment, aussi important soit-il, de l’évolution de son pays. Si on en a le talent, l’envie et la force, on le pourra toujours sans doute dans un contexte nouveau, avec les paradigmes du moment ainsi que la phraséologie appropriée. De nos jours, parler du néocolonialisme, d’exploitation des ressources de l’Afrique, d’échange inégal et de détérioration des termes de l’échange, est un langage suranné, désuet.

Lors d’un récent sommet Russie-Afrique, à Moscou, le Président Burkinabé, Ibrahim Traoré, a taxé malencontreusement ses prédécesseurs de mendiants africains ayant toujours tendu la sébile à l’Occident, qui n’a pas non plus échappé à ses vives invectives. Mais il ne dit mot de la Fédération de Russie, pourtant en pleine « opération spéciale de dénazification et de démilitarisation » contre l’Ukraine. Une opération spéciale qui a tout l’air d’une agression impérialiste.

Ces dirigeants dont le dénominateur commun n’est autre que le refus de se plier aux sanctions de la CEDEAO, se camouflent derrière des idéologies populistes (panafricanisme, souverainisme, dignité) pour conserver le pouvoir en dépit de leur incapacité à apporter de solutions idoines aux graves crises sécuritaires qui assaillent leurs Etats. La politique du bouc émissaire reste leur stratégie favorite de dédouanement. En la matière, la France est le souffre-douleur tout trouvé. On la subodore derrière tous les échecs, les résultats de la mauvaise gouvernance et de l’incompétence. Le bouc émissaire évite d’assumer ces responsabilités.

Au Sahel, il est temps de faire montre de discernement, de ne pas faire les autruches, d’identifier clairement les cibles du moment (pauvreté, maladie, ignorance), les armes adéquates.

Abraham Kayoko Doré