Le 26 mai, le directeur général de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) était devant la presse à son siège de Kaloum. Alpha Sény Camara a mis aux enchères des biens de l’ex-ministre de la Défense nationale, pour recouvrer le quart des 500 milliards de francs guinéens représentants les dommages et intérêts que Mohamed Diané doit verser à l’État guinéen à la suite d’une condamnation judiciaire.
Le bras droit de l’ancien président Alpha Condé cherche à se sortir des griffes de la Cour de répression des infractions économiques et financières. Mais, il pourrait bientôt voir ses biens être vendus par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. L’AGRASC compte mettre, le 29 mai, une partie de son patrimoine aux enchères. Histoire de recouvrer une partie des dommages et intérêts infligés au ponte du RPG arc-en-ciel, condamné par la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF).
L’annonce fait grincer des dents. La défense de Mohamed Diané dénonce une entrave à la procédure judiciaire. Alpha Sény Camara dit exécuter une décision de justice : « Docteur Diané est condamné à cinq ans d’emprisonnement et à payer 500 milliards de francs guinéens à l’État guinéen. Le juge a explicitement ajouté que, quelle que soit la démarche de recours de Dr. Diané, la décision est qu’il doit payer le 1/4 de la condamnation pécuniaire. Soit 125 milliards GNF. L’État, par l’intermédiaire de l’Agent judiciaire de l’État et de l’AGRASC, a besoin de ce montant. Ce n’est pas parce qu’il fera recours que cette décision ne sera pas exécutée, dans les conditions prévues par les juges. »
Les biens à vendre
Certains s’interrogent sur l’ouverture des enchères avant même la condamnation définitive du prévenu. Alpha Sény Camara répond qu’il n’est nullement lié par l’état d’avancement du procès du moment où le juge autorise une exécution provisoire de sa décision : « L’AGRASC est en train de chercher où prendre les 125 milliards que docteur Diané doit à l’État guinéen. Quand on dit : « nonobstant tout recours », cela signifie que, quelle que soit la voie utilisée par le condamné, le quart de ce montant doit être exécuté. Il ne s’agit pas de vendre les biens de quelqu’un à la hâte. Si le juge n’avait pas ordonné de récupérer le quart du montant, nous serions restés tranquilles, en attendant la décision finale. Mais en cours de procédure, l’AGRASC a bien le droit de vendre, d’aliéner ou d’offrir des biens susceptibles d’être confisqués. »
Les biens susceptibles d’être vendus le 29 mai sont : un immeuble R+8 situé à Almamya et un immeuble R+10 à Sandervalia, dans la commune de Kaloum. Un autre immeuble R+8 à Yattayah, commune de Sonfonia. Il y a également une école (R+5) à Missira, dans la préfecture de Kankan et une usine agro-industrielle dans la même localité, avec deux hangars et une plantation d’anacardiers. Le prévenu a persisté à la barre n’avoir de biens qu’à Kankan, sa ville d’origine.

La défense s’inquiète
Le directeur général de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués parle d’une affaire ordinaire : « Ce n’est pas la qualité des personnes condamnées qu’il faut voir, mais la décision des juges. À l’école de droit, on dit que ce qui gêne la morale ne gêne pas forcément le droit…La sensibilité de cette affaire tire sa source de la qualité de l’homme qui est condamné, c’est tout. La qualité de l’homme qui est condamné compte beaucoup, mais l’application de la loi est plus forte. »
Parmi les biens supposés appartenir à Mohamed Diané, il y en a dont des tiers revendiquent la paternité. C’est le cas de l’immeuble R+8 situé à Almamyah qui est sous bail à construction entre la Sogefel (Société générale Fella, entreprise de construction, promotion immobilière et de BTP appartenant à l’homme d’affaires Sékou Kaké) et l’État guinéen pour 60 ans. Ou encore du domaine industriel de Kankan. Ces particuliers et les conseils de Mohamed Diané n’entendent pas courber l’échine. « Quand la justice précède le droit, l’insécurité juridique guette, s’inquiète Me Almamy Samory Traoré. La mise en vente aux enchères de biens immobiliers litigieux, alors que l’instruction judiciaire est toujours en cours, soulève de sérieuses inquiétudes. Comment justifier une telle précipitation, alors même que des tiers, se déclarant propriétaires légitimes de ces biens, comparaissent devant la juridiction compétente avec des pièces justificatives à l’appui ? C’est non seulement une fuite en avant, mais aussi une source d’insécurité juridique grave pour tout éventuel acquéreur. »
Yacine Diallo