Le président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio, a été élu ce dimanche 22 juin président de la Communauté Économique d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), au cours d’un sommet ordinaire des chefs d’États qui s’est tenu à Abuja, au Nigeria. Il prend la présidence tournante de l’institution sous-régionale et succède à Bola Ahmed Tinubu, le président du Nigéria.

 « Notre région est à la croisée des chemins », a déclaré le nouveau président de l’organisation régionale, Julius Maada Bio. Un discours qui a su convaincre ses pairs avec comme projet de donner la priorité à la restauration de l’ordre constitutionnel, le renforcement de la sécurité régionale et l’intégration économique.

« Nous devons soutenir les États membres dans la mise en place d’institutions démocratiques plus solides et réformer notre architecture de sécurité commune », a déclaré Julius Maada Bio.

Un agenda ambitieux, alors que l’Afrique de l’Ouest « est confrontée à de graves défis, certains de longue date, d’autres nouveaux et évolutifs », a-t-il jugé. Ces défis incluent « l’insécurité au Sahel et dans les États côtiers, le terrorisme, l’instabilité politique, les flux d’armes illicites et le crime organisé transnational ». Des coups d’État et tentatives de coups d’État ont touché presque la moitié des pays membres originels de la Cédéao durant la dernière décennie, créant des tensions entre voisins.

Bola Tinubu, le président sortant de la Cedeao, a reconnu dans un discours les « défis rudes et constants qui continuent d’entraver nos aspirations ». « Parmi eux figurent actuellement les menaces sécuritaires, l’extrémisme violent et d’autres tendances transfrontalières » qui continuent de s’étendre et s’intensifier, a-t-il dit.

Rupture de la règle tacite de l’alternance

Cette élection du président de Sierra Leone est une énorme surprise. En effet, même si dans la dernière ligne droite, le profil du président du Ghana avait été mis en avant, Bassirou Diomaye Faye, président du Sénégal, faisait figure de favori, notamment parce que la Cédéao avait, jusqu’ici, respecté une alternance informelle entre présidents francophones, anglophones et lusophones. Finalement, deux anglophones se succèdent à la tête de l’organisation, une rupture dans cette règle non tacite d’alternance. Une chose est certaine, Julius Maada Bio prendra la tête d’une organisation en pleine crise de la cinquantaine.

Présidence de la Cédéao: quels sont les principaux défis qui attendent le Sierra-Léonais Julius Maada Bio?

Après un huis-clos de plus de six heures par moments tendus, les chefs d’État présents à Abuja sont sortis pour la photo de famille. L’ambiance était plutôt lourde, rapporte notre correspondant régional, Serge Daniel. Les langues ont commencé à se délier. Lors des discussions entre chefs d’État, le choix du nouveau président n’a pas été facile. Le Sénégalais Bassirou Diomaye Faye était pressenti avant le Sommet. L’une des premières tâches de Julius Maada Bio sera de ramener l’unité au sein de la famille Cédéao. Le dossier Burkina-Mali-Niger a divisé les pays restés membres de l’organisation. Le nouveau président en exercice de la Communauté doit se saisir de ce dossier. La lutte contre l’insécurité et le terrorisme dans la sous-région est une autre priorité. Pour y parvenir, la Cédéao a annoncé la mise sur pied d’une force d’attente. En réalité, le projet est toujours au stade théorique. Cinquante ans après sa création, l’organisation régionale n’a par ailleurs pas véritablement avancé sur la question de la monnaie commune. C’est un autre chantier pour le président Julius Maada Bio.

Vers une sortie organisée du Mali, du Burkina Faso et du Niger

Mais ce sommet du 22 juin 2025 ne s’est pas limité à cette élection. Les dirigeants ouest-africains ont aussi décidé de nommer un négociateur chargé de superviser la procédure de retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger – trois pays dirigés par des juntes militaires ayant formé leur propre bloc : l’Alliance des États du Sahel (AES). Le négociateur sera assisté de trois ministres issus de pays membres. Le compte à rebours est enclenché : la sortie officielle des trois États sahéliens est prévue fin juillet.

Depuis plusieurs mois, les groupes jihadistes ont multiplié les offensives dans la région. Au Mali, des postes militaires ont été visés ; au Burkina Faso, des incursions ont été signalées jusque dans de grandes villes ; au Niger, les forces armées ont subi de lourdes pertes. Même le Nigeria, pays hôte du sommet, a connu une recrudescence des attaques, tant contre les villages que les installations militaires.

Le terne bilan du président nigérian à la tête de la Cédéao

Bola Ahmed Tinubu a conclu son dernier mandat de président de la Cédéao de manière sobre, presque effacée. Avant de remettre les emblèmes de l’organisation à son successeur qu’il a qualifié de « grand ami et cher frère », le président nigérian s’est dit optimiste pour l’avenir de l’Afrique de l’Ouest, concédant toutefois que la conférence des chefs d’État et de gouvernement avait dû faire « face à des défis complexes, des transitions politiques et des menaces sécuritaires » au cours des dernières années.

Si, lors de la très courte séance plénière, Bola Ahmed Tinubu n’a pas dit un mot du retrait de l’organisation du Burkina Faso, du Mali et du Niger partis créer l’Alliance des États du Sahel (AES), un petit livret retraçant les points positifs des deux années de gestion de l’organisation par le Nigeria a en revanche été distribué à l’assistance durant le long huis clos de ses dirigeants. Mais en homme politique aussi avisé qu’expérimenté, Bola Ahmed Tinubu est évidemment bien conscient que les manuels d’Histoire devraient surtout retenir comme fait majeur de son leadership le départ de trois pays membres fondateurs de l’institution… l’année même où celle-ci a soufflé ses 50 bougies.

Avec Moïse Gomis, Rfi