Mardi 15 juillet, la Direction centrale des investigations judiciaires de la gendarmerie nationale a interpellé deux grosses légumes des médias du sévice public : Ibrahima Koné, directeur général du « quotidien national Horoya,  Daouda Taban Sylla, administrateur général du site www.rtgguinee.info, également journaleux à la RTG. Il n’en fallait pas plus pour enflammer réseaux sociaux et autres paysages médiatiques de Guinée, d’Afrique et de Navarre. Il leur était reproché la diffusion, sur leurs plateformes respectives, d’une fausse version du projet de la nouvelle constitution. A l’issue de l’interpellation, les deux poltrons de presse ont regagné leurs familles respectives le même jour. Un dénouement à la Hemingway. Les veinards !

Fistons et collaborateurs retrouvés, nos deux confères n’avaient certainement pas fini d’évaluer les dégâts collatéraux de leur visite de courtoisie à la Gendarmerie nationale. Venu de partout, des ondes aux petits écrans,  le tollé médiatique aura joué un vilain tour à la Guinée dont la presse publique se charge elle-même de soigner instantanément l’image. Que voulez-vous, notre environnement est bâti sur une division étriquée du travail, une association  mécanique d’idées, saugrenues pour la plupart, une logique souvent fondée sur le zèle et l’improvisation.  « Chacun dans son chacun, » les boeux  seront bien gardés, Toto aime à paraphraser. Au journaliste, la gestion de l’actualité; au gendarme, celle de l’ordre public. Encore que les deux professions ont pour tronc commun la lourde tâche de mener des enquêtes à la  méthodologie quasi identique et la finalité la finalité différente. Le  sketch « des enquêteurs enquêtés. »

Sur les inforoutes, la pauvre Guinée ne pouvait amorcer un virage si dangereux. La Une des journaux, les sites-web et autres réseaux sociaux  lui  collent des images bien grimaçantes, incapables de résister aux clichés du genre « le chien aboie, la caravane passe. » Avant de trancher entre la vérité des hommes et la réalité des choses, les Guinéens auront dû passer un mauvais quart d’heure, leur tympan avec. Dit le proverbe mandingue : « Que la chèvre soit attachée au piquet ou le piquet à la chèvre, c’est la chèvre qui casque.»

Notre village planétaire ne se gêne pas d’imposer ses concepts « à la mode » pour mieux faire passer ses stéréotypes : Démocratie, État de droit, Liberté… On fait une chose et son contraire pourvu qu’on arrive à ses fins. Sans rien expliquer, rien expliciter. Diffus ou difforme, c’est « le sacré » qui compte. Dans le concert des nations où nous sommes malheureusement tenus de jouer notre partition, la plateforme du journaliste s’appelle site-web, toute erreur, tout délit de presse, ça se gère ailleurs qu’au Haut Commandement de la Gendarmerie.

Comme Koné soi-même savait déjà que « la liberté de la presse est respectée à 80% en Guinée, que les journalistes travaillent dans la paix et la quiétude, »  le délit de publier une version erronée du projet de la nouvelle constitution ne pouvait relever que de « l’erreur humaine, sans volonté de nuire. Voilà bien la conclusion des fins limiers de la Direction centrale des investigations judiciaires. La flamme en valait-elle la chandelle ? Peut-être. En tout cas, nos confrères sont rentrés sains et saufs, sans aucune mesure disciplinaire. Par les temps qui courent, ce n’est pas rien.

Diallo Souleymane