Les fortes pluies qui se sont abattues ces derniers jours n’ont pas été sans conséquences. Le centre-ville de Coyah et la commune rurale de Wonkifong ont enregistré au moins deux morts et des dégâts matériels importants, faisant des sans-abris. Reportage.

Des maisons détruites à moitié ou entièrement envahies par les eaux, laissant leurs occupants à la belle étoile ; des pertes en vies humaines ; des mères et des pères de famille en détresse ; des enfants affamés… Voilà à quoi ressemblaient certains quartiers de la commune urbaine de Coyah et la commune rurale de Wonkifong ce 23 juillet, lendemain des inondations nocturnes dévastatrices. Les quartiers les plus touchés dans la commune urbaine sont : Tougandé, Fily1, Batouyah, Laminayah, 54, ainsi que d’autres secteurs du centre-ville.

Sur les lieux, tristesse et désolation se lisent sur les visages, à l’image de celui de Kankou Camara, mère d’un nourrisson emporté par les eaux au quartier Tougandé. Inconsolable, elle raconte le désastre : « À 2 heures du matin, j’ai entendu le bruit de l’eau. J’ai immédiatement réveillé mon mari, puis j’ai pris mon bébé et mon homonyme. J’ai tenté d’ouvrir la fenêtre, mais c’était impossible : l’eau avait déjà atteint un niveau élevé, et il y avait du courant. Mon mari nous a demandé de sortir. Il a essayé d’ouvrir la porte, mais elle était bloquée. J’ai alors confié le bébé à mon homonyme, qui s’est réfugiée avec lui sur les fauteuils. J’ai aidé mon mari à ouvrir la porte, sans succès. »

Inondations à Wonkifong

C’est à ce moment que le pire s’est produit : « L’eau a brisé le mur arrière de la maison et s’est engouffrée à l’intérieur, envahissant les fauteuils. Prise de panique, mon homonyme a lâché le bébé, qui a été emporté par les eaux. J’ai cherché désespérément, mais je n’ai pas pu retrouver mon enfant. Ce n’est que le lendemain que nous avons retrouvé son corps. Je suis profondément attristée. Nous demandons à l’État de nous venir en aide. Nous n’avons nulle part où aller, c’est ici que nous avons toujours vécu ».

Ce qui reste d’une maison à Coyah après l’inondation du 22 juillet

M’balou Fatoumata Ouendéno, une des victimes, rencontrée à la maison des jeunes de Coyah où elle s’est réfugiée avec d’autres sinistrés, déplore une situation récurrente : « Nous habitons depuis plusieurs années ce quartier. Nous avons enregistré beaucoup de dégâts matériels : des maisons et plusieurs objets de valeur détruits. Nous dormons depuis hier à la maison des jeunes de Coyah ».

La sinistrée déplore des alertes sans réponse durable. « L’année passée aussi, nous avons été victimes de ce même phénomène. C’est pourquoi les autorités nous avaient demandé de quitter les lieux, mais nous n’avons pas pu, faute de moyens », renchérit M’balou Fatoumata Ouendéno.

Appels à la mobilisation générale

Même les autorités locales n’ont pas été épargnées. Le président de la Délégation spéciale de Coyah, Fodé Morlaye Bangoura, a vu sa maison complètement inondée, au quartier Sambayah. L’enceinte a été détruite. « Cela fait trois ans successivement que nous sommes confrontés à ce fléau. Cette situation nous met mal à l’aise en tant qu’autorités. Les lits des rivières sont complètement bouchés par l’action des populations, qui continuent d’y jeter les ordures. En même temps, il y a des constructions anarchiques le long de ces rivières. Ces inondations n’étaient pas du tout d’actualité il y a quelques années. Tout a commencé après la construction du pont Kaka et de la Route nationale Conakry-Kindia. Depuis quatre ans, les inondations se répètent à Coyah », accuse Fodé Morlaye Bangoura.

Fodé Morlaye Bangoura

« Nous exhortons le gouvernement à venir sur le terrain, renchérit-il. Après chaque grande pluie, l’eau déborde et fait des dégâts. Les sinistrés n’ont pas d’abri. Il faut les reloger temporairement, mais aussi envisager des moyens durables pour contrer ce phénomène. » Le président de la Délégation spéciale de Coyah de conclure, résigné : « Vous avez constaté, tous mes documents sont presque mouillés. Les fauteuils et plusieurs objets de valeur sont perdus. C’est une perte énorme, mais je m’en remets à la volonté du bon Dieu. »

Après la commune urbaine, direction la commune rurale de Wonkifong, située à 7 kilomètres du centre-ville de Coyah. Ici aussi, plusieurs zones ont été inondées pour la première fois, s’étonnent les habitants. Les secteurs les plus touchés sont : Canada (district de Nasser), Mangassimbaya et Sangoyah (district de Toguiron).

Lourd bilan à Wonkifong

Bilan provisoire : environ 50 ménages sinistrés. Le sous-préfet de Wonkifong, le sous-lieutenant Camara Lanciné, analyse les causes des inondations : « Il n’existe pas de dépotoirs officiels. Les habitants déposent leurs ordures au bord du marigot, ce qui peut obstruer le lit du cours d’eau. Lorsque le marigot est bloqué, l’eau cherche un autre passage, aggravant les risques d’inondation. Le président du district [de Kendoumayah] m’a montré une vidéo sur de fuites importantes au niveau du barrage de Kalé. L’eau sort avec force. Cela pourrait aussi expliquer la montée brutale des eaux. En plus, plusieurs habitations sont construites trop près du marigot, dans les bas-fonds. Cette situation expose gravement les populations ».

Sous-Lieutenant Lanciné Camara

Un jeune de 15 ans a sauvé sa mère et sa sœur, avant d’être emporté par les eaux. Le sous-préfet revient sur les circonstances de la mort du jeune héroïque : « Il avait réussi à sauver sa mère et sa petite sœur. Il a été emporté alors qu’il cherchait à se mettre à l’abri. Il a chuté en essayant de s’accrocher à une planche du toit, qui a cédé malheureusement. »

Comment limiter les dégâts

Rencontré à son bureau, le vice-président de la Délégation spéciale de Wonkifong, Camara Amadou, explique les mesures prises en collaboration avec la commune pour limiter les dégâts. « Nous avons chargé les présidents de districts et les membres du conseil communal de se rendre auprès des sinistrés pour sécuriser les biens et trouver un logement temporaire. Sur le plan sanitaire, avec le directeur de l’hôpital préfectoral et le DPS [Direction préfectorale de la santé], nous avons mis en place des renforts sanitaires pour prendre en charge les populations affectées », a-t-il détaillé.

Amadou Camara

Et d’insister sur l’importance de la prévention communautaire : « Nous avons demandé aux présidents des districts de convoquer les jeunes, les leaders communautaires et les groupements pour les informer et les impliquer dans les mesures de prévention. »

Ce qui reste d’une maison inondée à Coyah

Le vice-président de la Délégation spéciale de Wonkifong interpelle également les autorités guinéennes : « Il est urgent de délimiter toutes les zones à risque : marigots, rivières, fleuves pour interdire les constructions anarchiques. Certains, parce qu’ils ont les moyens, remblayent les zones inondables et s’y installent, mettant tout le monde en danger.  Nous appelons le Président de la République et les autorités compétentes à venir en aide aux populations sinistrées, et à prendre des décisions fermes avant qu’il ne soit trop tard. »

Si les inondations sont quasi annuelles, Coyah et Wonkifong vivent l’un des pires épisodes de leur histoire récente.

Mariama Dalanda Bah,

Envoyée spéciale