Par note circulaire du 28 juillet 2025, le préfet de Mali, colonel Manson Sangala Camara, a donné un préavis de déguerpissement des populations riveraines du camp (sous–groupement tactique) de Mali. Les intéressés devraient quitter entre le 28 juillet et le 5 septembre 2025. Passé ce délai, le préfet menace d’user de la force. Mais la mesure suscite la colère.

En voici un large extrait de la note circulaire du préfet, Manson Sangala Camara: «Article1: Un délai de préavis de déguerpissement de quarante (40) jours est donné à tous les occupants (magasins, maisons et autres installations) de l’alentour du Camp du Bataillon d’infanterie de Mali à compter du 28 Juillet 2025 jusqu’au Vendredi, 05 Septembre 2025 à 00 heures pour libérer les alentours du périmètre du mur du Camp du Bataillon d’infanterie de Mali. Article 2 : Déguerpir complètement la devanture de la rentrée principale du Camp, respecter cinquante (S0) mètres de distance entre le mur du Camp et les habitations du quartier. Tout bâtis et toutes installations de quelque nature que ce soit doivent être dégagés et séparés les maisons ou autres et du mur par un fossé. Article 3: Le Préfet de Mali, Président du Comité Préfectoral de Défense et de Sécurité invite tous les occupants en infraction de procéder au respect de cette instruction en déguerpissant sans délai. Article 4: Passé ce délai le Préfet de Mali réquisitionne les Forces de Défense et de Sécurité de par la loi et ses Attributions régaliennes pour déguerpir tout récalcitrant et le poursuivre en justice. Pour : – Occupation illégale de domaines de l’Etat ; Refus et suspicion en vue de créer une insécurité aux alentours du Camp Militaire de Mali ; et réticence… »

Le préavis de déguerpissement suscite des mécontents à Mali. D’autant que la deuxième grande mosquée de la ville, la mosquée Hafia construite dans les années 90 par les populations sur appui financier d’une ONG arabe, serait dans le viseur de la note circulaire du préfet. Les habitations de nombreuses familles sont aussi visées, dont des maisons qui hébergent des hôtes de marque séjournant à Mali, cette ville sans infrastructures hôtelières.

Le déguerpissement annoncé par le colonel Manson Sangala Camara étonne, puisque le Bataillon d’infanterie a, depuis les années 90, agrandi plusieurs fois son espace, avant d’ériger récemment une cour. A cette occasion, des citoyens ont perdu des domaines se trouvant dans le périmètre indiqué. Or, ils avaient bénéficié auparavant d’une autorisation d’installation délivrée par le service de l’urbanisme et de l’habitat de la préfecture de Mali.

Manson se préoccupe-t-il plus à déguerpir qu’à vulgariser le projet de nouvelle Constitution ?

Ce qui étonne et indigne davantage la population de Mali ville, c’est la période (du 28 juillet au 5 septembre 2025) indiquée pour le déguerpissement. Une période au cours de laquelle toutes les autres autorités à travers le pays s’attèlent à sensibiliser les citoyens pour le référendum prévu le 21 Septembre 2025. La date du 5 Septembre que le colonel Sangala a choisie pour sortir l’armée, la gendarmerie et la police contre les habitants de l’alentour du Bataillon d’infanterie de Mali coïncide avec le 4ème anniversaire de la prise du pouvoir par le CNRD, pour protéger les Guinéens contre les abus de l’ancien pouvoir. Ainsi, Mali, au lieu de fêter comme d’habitude le 5 septembre dans la joie et l’allégresse, vivra un déguerpissement illégal et forcé en pleine saison des pluies. Une opération menée par la police, la gendarmerie et l’armée que compte réquisitionner, selon son préavis, le colonel à la retraite Manson Sangala Camara. Ignore-t-il que l’Etat défend de déloger un citoyen pendant la saison des pluies ou bafoue-t-il la volonté de sa hiérarchie ?

Quand le préfet de Mali évoque des raisons de sécurité autour du camp, d’aucuns lui rétorquent que le camp existe depuis le temps colonial et que jamais le moindre incident n’a été enregistré entre les militaires et les civils habitants la zone. C’est plutôt la bonne collaboration et la fraternité qui régissent leurs relations.

Partout dans le pays, y compris à Conakry, les habitations des populations civiles ont coexisté et coexistent encore  avec les camps militaires, mais nulle part on a enregistré un déguerpissement abusif et illégal comme celui que prévoit colonel Manson Sangala Camara.

Des citoyens du Mali rappellent que le colonel avait été à l’origine d’un scandale financier de quelque 400 millions de Francs Guinéens, qu’il aurait détournés au détriment du développement de la préfecture qu’il dirige. L’affaire avait fait les choux gras de la presse, puisque Manson Sangala Camara avait fait l’objet de poursuites judiciaires. Il a été arrêté et incarcéré le mardi 1er août 2023. Après une garde à vue de 72 heures, Manson Sangala Camara a été finalement libéré, jeudi 3 août et placé sous contrôle judiciaire. On ne sait comment il est revenu aux affaires après ce scandale.

Autre déguerpissement, autres mécontents à Mali

Une autre affaire alimente le mécontentement populaire à Mali. Elle est liée au récent déguerpissement des marchandes du grand hangar du centre-ville qui faisait office de marché central. Ces femmes ont été relocalisées dans un autre hangar construit par l’ANAFIC, loin du centre urbain. La situation fâche à la fois marchands et acheteurs qui se voient éloignés les uns des autres. De folles rumeurs circulent à Mali  sur une « volonté de vente par l’autorité de cette place du centre-ville » où s’exerçait le commerce, bien avant l’indépendance de la Guinée.

Mamadou Mô Mali