Le 4 août, le Président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, a convoqué le corps électoral le 21 septembre prochain, pour se prononcer sur le projet de nouvelle Constitution. Mais des partis politiques dénoncent un processus « unilatéral », augurent des lendemains incertains.
Vulgarisation du projet de nouvelle Constitution, révision des listes électorales, mise en place de la Direction générale des élections (DGE), appel au corps électoral…la Guinée continue son chemin vers le scrutin référendaire : le premier, après plus de trois ans de transition. Le référendum constitue la première étape d’une série de scrutins censées conduire au retour à l’ordre constitutionnel. Mais le processus laisse à l’écart les partis politiques les plus représentatifs : le Rpg arc-en-ciel d’Alpha Condé, l’Ufdg de Cellou Dalein Diallo, l’Ufr de Sidya Touré, tous en exil. S’y ajoutent, entre autres, le MoDel d’Aliou Bah (en prison), le BL de Faya Millimouno, qui se dit menacé pour ses prises de position politiques vis-à-vis de la junte.
Le Rpg arc-en-ciel, démembré, suspendu par les autorités de la transition, estime que la transition est terminée depuis le 31 décembre 2024. Une position soutenue, en bloc, par les Forces vives de Guinée qui regroupent les principales formations politiques et des organisations de la Société civile. D’où, « tout ce que la junte fait maintenant-là est son programme à elle, cela ne nous concerne pas », estime Mohamed Lamine Kamissoko, du bureau politique du RPG, l’ex-parti au pouvoir, joint au téléphone mardi 5 août. Selon lui, les militants du parti se sont recensés juste au besoin des papiers, pas pour le vote. « Nous, nous n’allons pas au vote tant que nous n’avons pas le retour à l’ordre constitutionnel. Nous avons toujours dit que l’ordre constitutionnel n’est pas l’organisation d’une élection. Une force avait renversé l’ordre constitutionnel qui était là, c’est cet ordre constitutionnel-là qu’il faut remettre en place. Ce n’est pas l’organisation d’une élection », explique M. Kamissoko.
Parlant de la nouvelle Constitution qui s’appliquera une fois que le « Oui » l’aura remporté, l’ancien député du Rpg arc-en-ciel croit que le référentiel suprême de la nation demeure le peuple. « Donc, un pouvoir peut faire ce qu’il veut, Allah reste le Tout-Puissant. Nous suivons notre destin, nous restons fidèles à notre engagement. Pour le moment, nous ne participerons pas à une telle activité », martèle l’opposant à la junte.
« Processus unilatéral »
Le Bloc libéral (BL) estime qu’il est juridiquement admis au général Mamadi Doumbouya de convoquer le corps électoral dans 60 ou 92 jours avant un scrutin. Ibrahima M’Bemba Bah du BL, le chargé de communication, regrette que la junte se soit inscrite dans une « dynamique unilatérale » dans le processus du retour à l’ordre constitutionnel. « Les acteurs politiques les plus en vue ne sont pas associés, nous l’avons dénoncé. Nous avons appelé à ce qu’il y ait un nouveau dialogue national pour un processus inclusif. Malheureusement, les autorités sont en train de dérouler leur agenda, sans tenir compte des forces politiques et de la société civile du pays », fustige M’Bemba Bah. Il dénonce que les partis politiques n’aient été ni consultés ni associés à la mise en place de la Direction générale des élections, encore moins au recensement électoral. « Cela veut dire qu’on est en train de préparer des lendemains électoraux incertains en Guinée », alerte-t-il.
Le dialogue, encore d’actualité
Au Mouvement démocratique libéral (MoDel), les récriminations sont les mêmes. Le parti accuse le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) de dérouler son propre agenda politique. « Notre priorité demeure la libération de notre leader M. Aliou Bah, injustement détenu depuis plus de sept mois. Cela étant, nous reconnaissons que la question constitutionnelle est d’une importance capitale, elle engage l’avenir de la nation. Elle mérite un traitement rigoureux et responsable de la part des forces politiques et sociales. Nous avons mis en place une commission de lecture et d’analyse du projet de nouvelle Constitution. L’objectif est d’y identifier les forces et les faiblesses afin que nos militants se prononcent en connaissance de cause lors du référendum », affirme Ibrahima Diallo de la cellule de communication. Le MoDel appelle à un dialogue politique sincère, inclusif, constructif et à la « libération immédiate de tous les prisonniers politiques », afin de restaurer la confiance et de garantir un climat propice à une véritable expression démocratique. Il reste à savoir si l’appel tombera dans de bonnes oreilles, au moment où le CNRD semble avoir réussi à mettre au pas toutes les voix dissonantes.
Yaya Doumbouya