Depuis plusieurs semaines, la tension monte autour du centre culturel de La Paillote sise au quartier Camayenne, commune de Dixinn. Il a été engagé des travaux de démolition de ce lieu emblématique de la culture guinéenne le 11 août. L’arrivée d’une pelleteuse a suscité l’indignation, parmi les art-tristes occupant les lieux depuis des décennies.

Préoccupé par un déguerpissement en vue, Ousmane Hervé Camara, chef de l’orchestre de Kèlètigui et ses Tambourinis, administrateur général de « La Paillote », s’est confié à notre reporter. Selon lui, aucune communication n’a été donnée avant le début de l’opération. « C’est un problème que je ne peux pas expliquer en profondeur, car il nous a surpris. On n’a pas été informés. Mais à notre tour, on a informé notre ministre, pour lui expliquer la situation », a-t-il déclaré, précisant que l’actuel ministre de la Culture, Moussa Moïse Sylla, avait promis de réhabiliter le site lors d’une visite, il y a un an.

Ousmane Hervé Camara, administrateur de La Paillote.

Ousmane Hervé Camara explique: « Tout a commencé quand le ministre Moussa Moïse Sylla est venu ici et il a trouvé l’orchestre Bembeya répéter sous une grande chaleur. J’avais fait sortir mon ventilateur, pour ventiler l’équipe. Il a était très étonné de nous voir répéter dans ces conditions. Par la suite, il a voyagé pour la Gambie, en nous disant que s’il retourne en bonne santé, qu’il restaurerait La Paillote. Parce que c’est un lieu très historique, c’est ici que la musique guinéenne a commencé. Il tenait toujours à cela après son retour de la Gambie. Il passait pour nous rassurer, soulignant cependant un problème de financement. Mais il n’a jamais voulu que cette case-là tombe ».

 Ousmane Hervé Camara souligne que malgré la volonté du ministre de la Culture de réhabiliter le lieu, des travaux de déguerpissement ont été entamés sur le site. L’an passé, des gens seraient venus « sur place et la zone a été entourée d’une clôture en tôles. Pour nous, c’est le ministre qui les avait envoyés. J’ai informé le ministre qui m’a demandé de rester tranquille. Il m’a dit que si c’était lui qui envoyait quelqu’un, je l’aurai su plus tôt. Que ceux qui sont venus ne peuvent rien. » Un jour, selon Ousmane Hervé Camara, La Paillote a reçu une équipe du ministère. Il lui a été montré le plan qui devrait être réalisé sur le site. Il a apprécié. Suite à cette visite, un « hangar a été construit pour nos répétitions en attendant la fin des travaux. Mais subitement, cette année encore, on a vu des gens venir avec des machines, alors qu’aucun parmi nous n’était informé et on ne sait pas qui est derrière ces machines».

Une fois encore, le mercredi 13 août, les administrateurs de La Paillote ont été surpris de voir une pelleteuse Caterpillar tenter de démolir le site. Selon mediaguinee, l’opération a échoué, grâce, une fois encore, à l’intervention du même ministre, ordonnant le retrait de la machine, après avoir « entendu le cri de cœur lancé par les administrateurs du site ».

Sékou Diabaté, le chef d’orchestre du Bembeya Jazz, résidant non loin de La Paillote, dénonce une « main noire » derrière l’affaire. Il accuse: « A chaque fois que les gens viennent ici, on entend circuler le nom de KPC (Kerfalla Person Camara). On ne sait pas si c’est lui, mais si c’est KPC, il n’a qu’à penser à la culture guinéenne et savoir que Dieu lui a donné tout. S’il touche le bien de la culture guinéenne, avec tout ce qu’il a eu, ce serait regrettable un jour pour lui. S’il s’entête, il gagnera certes la bataille, mais le péché va le taper un jour », a-t-il prévenu.

Face à l’accusation, nous avons tenté de joindre les responsables de l’entreprise de KPC et des cadres du ministère de la Culture, pour en avoir le cœur net. En vain. Un certain Lamine Damba que nous avons joint au téléphone mercredi 13 août, nous a envoyé vadrouiller, disant être en audience avec un ministre. Ce jeudi 14 août, il clame « n’avoir pu entrer en contact » avec son patron.

La Paillote, lieu de mémoire pour la musique guinéenne, va-t-elle survivre aux multiples assauts pour sa disparition?

Mariama Dalanda Bah