Des soirées dites Dior exclusivement réservées à des nounous en uniforme (robes) se multiplient à travers la Guinée. Ces rencontres dans des boîtes de nuit ou des apparts privés, où les participantes mangent, boivent, fument et se déhanchent avec extravagance, provoquent une levée de boucliers sur les réseaux sociaux et font l’objet d’interdiction par endroit.

Ce sont des soirées inédites baptisées « Dior », du nom d’une célèbre marque française de la mode et de la haute couture, entre autres. Elles sont organisées par et pour les femmes qui, pour la circonstance, s’habillent en robes de tissu africain teinté et cousu, non pas à Paris, mais en Guinée ou dans la sous-région.

Selon des organisatrices interrogées par Le Lynx, les soirées sont organisées à la faveur des anniversaires ou autres retrouvailles de réjouissance, dans des boîtes de nuit et autres lieux de loisirs. Et ce depuis environ deux mois. Mais, ces dernières semaines, elles sont sur toutes les lèvres et les vidéos des fêtardes deviennent virales sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, Marie Fac, chanteuse, est l’une des promotrices : « Les soirées visent à valoriser notre culture avec les habits traditionnels africains. C’est uniquement entre filles. On s’amuse, on mange…»

Valoriser le textile guinéen

Aminata Camara, alias Amie Cam’s, a contribué à l’organisation d’une soirée Dior, le 24 juillet. Elle explique à notre rédaction que l’unique critère pour participer est l’uniforme Dior. « Nous l’avions organisée à domicile, chez une amie. Nous avions cotisé pour bien fêter : manger, boire, danser. Il n’y a pas eu une danse extravagante, ce n’est pas notre éducation. Il n’y avait pas que des amies, nos sœurettes et même des mamans y ont participé. » Selon Amie Cam’s, l’un des objectifs de ces soirées est de valoriser le textile guinéen. « C’est pourquoi nous portons ce tissu. C’est une sorte de retrouvailles entre amies. Faire des vidéos et des photos pour se souvenir, car le voyage, la mort peuvent arriver. »

Outre les discothèques, les soirées Dior sont organisées dans des appartements privés ou à domicile. A l’occasion, la bière coule à flot ; et les nounous fument de la chicha. Les danseuses remuent leurs bassins et leurs formes en faisant du twerk [« danse sensuelle et énergique caractérisée par des mouvements rapides et répétitifs des hanches et des fesses, souvent dans une position accroupie »].

Ces pratiques, à la limite de l’érotisme, ne laissent pas indifférent. Elles sont vigoureusement dénoncées sur les réseaux sociaux, où des internautes les taxent de « rencontres de lesbiennes. »

Siguiri et Lola prennent les devants

Mariame Soumah, vendeuse de « robes Dior » au quartier Hafia, dans la commune de Dixinn, ne décolère pas : « Elles sont bêtes, ces femmes-là : comment peut-on porter une tenue responsable et faire des pratiques indécentes ? Elles prennent de la bière et s’en réjouissent, se filment et diffusent les bêtises sur les réseaux sociaux. C’est irresponsable ! Elles ternissent leur image et celle de notre pays. » Et d’inviter les autorités à veiller à ce que les soirées ne soient pas des « rencontres des lesbiennes. Ni la loi ni les religions n’autorisent ces pratiques vulgaires ».

Le 16 août, des nanas en extase ont organisé une soirée Dior à Pita, dans une boîte de nuit. Les clichés de la soirée, suivie d’une excursion dans une forêt classée, ont envahi Facebook. Chose désormais impensable à Siguiri et à Lola, où les soirées Dior ont été interdites.

Dans une décision du 25 août, Souleymane Koïta, prési de la Délégation spéciale de la ville aurifère, les a assimilées à une danse à caractère « sensuel [qui] porte atteinte à la pudeur. » Tout contrevenant s’expose à des poursuites judiciaires, martèle-t-elle.

Le 27 août, Benjamin Doré, prési de la Délégation spéciale de Lola, a emboîté le pas à son homologue de Siguiri. Il en convient aussi que les soirées Dior « en lieu public portent atteinte à la pudeur, aux coutumes et aux mœurs. »

Ces soirées rappellent les débuts du Faré gnakhi (danse vulgaire en soussou) : des valses souvent organisées la nuit, avec des danseuses légèrement vêtues. A la longue, face au tollé suscité, le Faré gnakhi s’est transformé en une danse traditionnelle, plus décente. Peut-être que les « soirées Dior » lui emboîteront le pas.

Souleymane Bah