Acteurs incontournables du scrutin référendaire du 21 septembre, les agents électoraux réclament la totalité de leurs primes. Ils accusent leurs chefs de chercher à se beurrer dans leur dos.
Après l’euphorie du vote, la dure réalité de la vie. Les agents électoraux, dans biens des buissons du bled, cravachent dur pour toucher leurs primes. À Lambanyi, Manéyah, Matoto, Dixinn, Sanoyah, Labé, Nzérékoré, Siguiri, Faranah, Koundara…, pour ne citer que ces circonscriptions, les acteurs du vote n’ont soit pas reçu tout leur dû, une partie en a été amputée. Jeudi et vendredi, ils ont exprimé leur ras-le-bol dans les mairies, préfectures, villes ou buissons concernés. Dans leur viseur, les responsables locaux de la Direction gêné-râle des élections. Ils accusent ceux-ci d’avoir fait main basse sur une partie de leur fric.
Dans les contrats signés par ces agents électoraux avec la DGE, un prési d’un bureau de vote touche 500 000 francs glissants comme prime journalière. 50 000 gnf comme frais de transport, 50 000 gnf comme frais d’acheminement du matériel électoral, 15 000 pour le petit-déjeuner, 25 000 gnf pour le déjeuner et 20 000 gnf pour le dîner, 660 000 francs glissants en tout pour la journée du 21 septembre, plus la prime de formation à la veille du scrutin qui s’élève, selon les infos, à 200 000 gnf. Mais la majorité des agents électoraux ont vu leurs primes coupées. La ponction varie selon le lieu. À Lambanyi, « ils ont coupé 60 000 gnf dans la prime de chaque agent. Cela leur fait des milliards alors que c’est nous qui avons souffert sur le terrain », râle un agent électoral. Un responsable de la DCE (Direction communale des élections) reconnaît la chose, mais affirme avoir redirigé l’argent vers la nourriture des plaignants: « C’est l’argent-là que nous avons orienté vers leur petit-déjeuner et déjeuner le jour du scrutin. » Sauf que les concernés n’ont pas senti odeur de cette nourriture : « C’est archi-faux, nous n’avons rien mangé. Ils ne nous ont rien donné, de 6h à 00 heures », rétorque l’agent électoral.
C’est pire ailleurs
Si chaque acteur n’a perdu que 60 000 gnf à Lamabanyi, dans biens des communes, on a perdu beaucoup plus. A Labé par exemple, un agent électoral a droit à 500 000 gnf, il n’a eu que 300 000 ou 350 000 gnf tout au plus. Un vice-président au lieu de 400 000 gnf a reçu 250 000, un assesseur qui doit avoir 300 000 gnf a reçu 200 000 : « Après avoir vérifié le document signé par la Directrice générale des élections que nous possédons d’ailleurs, nous avons compris qu’ils ont procédé à une réduction du montant qui nous est destiné », explique Souleymane Diallo, prési d’un bureau de vote au centre-ville de Labé, soi-disant proche d’un ministre nommé. A Labé, la paie consommée, on savourait la paix. Dès qu’ils ont eu connaissance des sommes déversées dans les préfectures environnantes, les agents des 310 bureaux de vote de la ville se sont révoltés : « Ils ont coupé 850 000 francs guinéens dans chaque bureau de vote. Cela leur fait plus de 200 millions de francs guinéens. C’est inacceptable », peste un autre agent. Dans la journée du jeudi, quelques agents ont reçu leur argent via des applications mobiles pendant qu’ils manifestaient. La DCE Labé se serait engagée à régler la situation le plus rapidement possible. À Hafia, sous-préfecture périphérique de Labé, une dizaine de bureaux de vote et une cinquantaine d’agents électoraux ont rué dans les brancards. Dans les communes de Matoto, Sanoyah, Faranah ou encore Siguiri, les responsables de la Direction géné-râle des sélections ont promis de régler la situation. A Kissidougou, les plaignants décident de porter l’affaire devant les tribunaux. Les agents électoraux, toute catégories confondues, n’auraient reçu qu’entre 180 000 et 200 000 gnf. À Dixinn, le patron de la Direction communale des sélections a une drôle de ligne de défense: « La DCE de Dixinn a utilisé tout l’argent qu’elle a reçu pour payer ses agents électoraux. Nous ne savions pas qu’ils devaient être payés pour deux jours. » Pourtant, là également, les agents électoraux ont signé le même contrat que dans les autres communes.
Ces magouilles ne venaient pourtant pas de la Direction gêné-râle des sélections. Lors d’une conf de stress le lendemain du référen-drôle, Djénabou Touré, dirlo de l’entité a décliné toute responsabilité : « Ils ont reçu des décisions de nomination, les primes sont sur les décisions. Ils le savent, c’est une première. Ils veulent juste créer de confusion, à moins qu’on ait diminué ça, mais ils ont reçu les décisions ». La patronne de la DGE ne savait peut-être pas à ce moment-là que ses relais sur le terrain amputent les primes des agents électoraux. Dans aucune ville où il y a ces manifs, un responsable d’une direction communale des sélections n’a démontré le contraire. Ils cherchent plutôt à camoufler l’affaire.
Récidivistes
Les agents électoraux, à Cona-cris comme dans les buissons de l’intérieur, ne sont pas à leur première mésaventure. Certains d’entre eux courent encore après une partie du fric qu’ils devaient percevoir pendant le recensement. La DGE devrait à des agents électoraux, notamment dans les buissons de l’intérieur jusqu’à un million de francs glissants. Ceux qui ont été retenus pour la distribution des cartes d’électeur n’auraient pas touché la totalité de leur argent. Sans compter que dans la plupart des cas, leur prime de formation a été amputée ou non encore versée. Les agents électoraux constituent donc une vache laitière pour les ponctionnaires des Directions communales des sélections.
Yacine Diallo