Le  jeudi 23 octobre, l’organisation de défense des droits humains Amnesty International a publié un rapport pour dénoncer les conditions de travail des employés de la Société Guinéenne de Palmier à Huile (SOGUIPAH), sise dans la sous-préfecture de Diécké, préfecture de Yomou, en Guinée-Forestière. En plus de piétiner leurs droits avec un salaire dérisoire, les conditions de travail difficiles, les travailleurs sont intimidés et vivent la peur constante d’être licenciés, indique le rapport. Ce qui constitue des violations des droits humains, selon l’ONG.

Avec 4 000 employés et 6 801 planteurs affiliés, les enquêteurs d’Amnesty International disent avoir fait un constat alarmant après avoir écouté les travailleurs de la SOGUIPAH, détenue à 100% par l’État guinéen. « Plusieurs travailleurs de la Soguipah interrogés par Amnesty International ont été rémunérés en dessous du salaire minimum légal de 550 000 francs guinéens (environ 55 euros) par mois. Par exemple, une manœuvre a reçu en septembre 2025 un salaire de base de 69 783 GNF (environ 7 €), pour plus de 170 heures travaillées dans le mois (le salaire de base le plus bas versé par la Soguipah sur 24 fiches de paie consultées); un saigneur d’hévéas a gagné 219 000 GNF (moins de 25 €) pour plus de 170 heures travaillées en juillet 2022. Le bulletin de paie d’une femme manœuvre ayant plus de 18 ans d’ancienneté s’élevait à 392 000 GNF (environ 43 €) en mars 2024, pour plus de 170 heures travaillées. En conséquence, cette situation n’a pas garanti aux employés les moins bien rémunérés de l’entreprise leur droit à un revenu assurant ‘’une existence décente pour eux-mêmes et leur famille’’», souligne le rapport. Selon les fiches de paie de 30 personnes datant de 2022 à 2025 consultées par l’organisation, 29 travailleurs avaient reçu un salaire de base inférieur au salaire minimum légal ».

Selon Fabien Offner, chercheur senior à Amnesty International, de nombreuses personnes interrogées ont affirmé avoir eu du mal à subvenir à leurs besoins essentiels, notamment en matière d’alimentation, de logement, de scolarisation de leurs enfants et de soins de santé. « Cette situation précaire est exacerbée par l’isolement de la sous-préfecture de Diécké, qui entraîne une hausse des prix des produits de première nécessité, en particulier pendant la saison des pluies, lorsque les routes deviennent impraticables ». Autres difficultés relevées par le rapport, les travailleurs manquent d’équipements de protection individuelle malgré une exposition régulière à des produits chimiques potentiellement dangereux, tant dans les plantations qu’à l’usine.

Fabien Offner-Chercheur Senior à Amnesty International

Des planteurs plongés dans la précarité

Le rapport d’Amnesty International relève une disparité entre le prix réel des produits sur le marché et celui inférieur que la société propose aux planteurs, obligés de les lui vendre. D’ailleurs, les planteurs disent n’avoir pas accès à la convention et contrat qui définissent leur relation contractuelle ave la SOGUIPAH. « L’entreprise déduit également de ces ventes, des sommes au titre d’une aide qu’elle ne fournit plus totalement »,  a expliqué l’ONG avant de citer un leader syndical qui a déclaré que la Soguipah défalquait de l’argent, car elle entretenait les pistes [..] et assistait les planteurs en techniques agricoles. « De plus, des dizaines de familles ont vu leurs terres confisquées par l’État au profit de la Soguipah sans compensation juste et équitable. Elles dépendent désormais de monocultures peu rémunératrices qui se sont développées au détriment des cultures vivrières locales ».

De l’intimidation

Fabien Onffner a indiqué qu’un climat de peur règne  à Diécké, chacun ayant en mémoire la répression sanglante dans le district de Saoro en 2014. « Au lieu de prendre les mesures nécessaires pour garantir les droits de ces personnes, les autorités ont laissé s’installer un climat de peur et d’autocensure. En 2024, une cadre aurait été licenciée pour avoir dénoncé publiquement les conditions de travail des femmes employées. Plusieurs personnes ont décrit un climat de peur alimenté par la menace de sanctions. » Pourtant, dit le chercheur Senior d’Amnesty International, les autorités de transition doivent tenir leurs promesses répétées de protéger les droits économiques et sociaux de tous dans le pays, y compris le droit à un salaire juste et équitable, condition d’une vie décente. « Elles doivent garantir la protection des droits humains des travailleurs de la Soguipah et de ceux qui dépendent de l’entreprise, conformément aux obligations du pays en vertu du Code du travail guinéen, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et des neuf instruments fondamentaux de l’Organisation internationale du travail ratifiés par la Guinée. »

Image extraite du rapport d’Amnesty International

L’ONG de défense des droits humains dit que ce rapport s’appuie sur des recherches menées du 23 novembre au 7 décembre 2024 et du 8 au 22 février 2025 dans les sous-préfectures de Diécké et de Bignamou, dans la région de Nzérékoré, ainsi que dans la ville de Nzérékoré et à Conakry. Environ 90 personnes ont été interviewées. « Ses conclusions ont été transmises le 3 octobre aux autorités guinéennes et à la direction de la Soguipah, afin de leur donner la possibilité de répondre à nos conclusions. Au moment de la publication, Amnesty International n’avait reçu aucune réponse », indique l’ONG.

Ibn Adama