La situation de la presse au Mali s’est dégradée à vitesse grand V ces dernières semaines. Les journalistes sont pris en étau par les autorités et les groupes armés, dans la capitale, Bamako, et en région, dans un contexte sécuritaire qui ne cesse de se détériorer.
Au Mali, la Haute autorité de la communication (HAC) verrouille les fréquences depuis le début du mois de novembre. Le 13 novembre, l’organe de régulation a suspendu pour trois mois la radio Aadar Koïma de Gao et la radio Aadar Koukia d’Ansongo dans le nord du pays, pour avoir respectivement dénoncé le comportement de certains militaires et relayé des critiques des autorités. Quelques jours plus tôt, deux journalistes des mêmes radios ont été interpellés, dont l’un pendant au moins quatre jours, pour avoir critiqué les autorités: Malick Aliou Maïga et Issoufa Moussa Touré. La Radio Kayira, située à Kolondieba, dans le sud du pays, a également été suspendue pour trois mois, après une émission à micro ouvert, diffusée le 26 octobre. Les chaînes de télévision françaises LCI et TF1 ont également été retirées des bouquets des distributeurs autorisés au Mali, le 13 novembre.
La profession fait également face à une pénurie de carburant, conséquence d’un blocus des circuits de ravitaillement imposé par des groupes armés. La couverture de cette actualité digne d’intérêt est devenue difficile pour les médias, comme le confirment à Reporters sans frontières (RSF) plusieurs journalistes interrogés.
« La couverture de la pénurie de carburant et du blocus imposé sur certaines zones du pays par des groupes armés ne doivent pas être un prétexte à des suspensions de radios, de chaînes de télévision et à des attaques contre les médias et les journalistes. Le public a le droit d’être informé sur la base d’un réel pluralisme médiatique, devenu impossible au Mali. RSF appelle les autorités à respecter la liberté d’informer des journalistes et dénonce les agissements des groupes armés contre les professionnels de l’information», déclare Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Six médias français suspendus depuis 2022
Depuis 2022, six médias français ont été suspendus au Mali: Radio France Internationale (RFI), ainsi que les chaînes France 24, TV5 Monde, France 2, et plus récemment TF1 et LCI. Dans une décision rendue publique le 13 novembre, la Haute autorité de la communication (HAC) indique que «les services de télévisions LCI et TF1 sont retirés des bouquets de tous les distributeurs de services de radiodiffusion sonore ou télévisuelle autorisée au Mali, jusqu’à nouvel ordre. » Quelques jours auparavant, le 9 novembre, LCI avait diffusé une séquence de 12 minutes, reprise par TF1 sur sa page web le même jour, qui, selon la HAC, « présente un registre alarmiste » qui « viole plusieurs dispositions légales et réglementaires du Mali ».
Détention sur la base de la loi contre la cybercriminalité
Alors que la loi sur la cybercriminalité continue de faire débat au sein de la corporation des journalistes au Mali, elle a été utilisée pour placer sous mandat de dépôt, le 14 novembre, le directeur de publication du journal L’Empire, Boubacar Traoré. Le journaliste, poursuivi pour diffamation par le propriétaire de l’entreprise Petro-Bama, avait écrit sur un prétendu litige foncier impliquant ce dernier.
Arrestations et enlèvements
La situation en dehors de la capitale n’est guère plus réjouissante. Malick Aliou Maïga de la radio Aadar Koïma à Gao et Issoufa Moussa Touré, qui travaille pour la radio Aadar Koukia à Ansongo, ont été interpellés le 5 novembre par les autorités locales après des critiques émises contre ces dernières. Si le premier a été libéré dès le lendemain, le second a passé quatre jours dans les locaux de la brigade de recherche de la gendarmerie d’Ansongo.
C’est dans cette région que des journalistes sont toujours portés disparus : le directeur et l’animateur de Radio Coton Ansongo–Saleck Ag Jiddou, dit Zeidane et Moustapha Koné – ont été enlevés lors d’une attaque d’un groupe armé non identifié le 7 novembre 2023 qui a coûté la vie à leur confrère de la radio Naata, Abdoul Aziz Djibrilla tué par balles sur la route reliant Ansongo à Gao.
Aussi, dans un contexte sécuritaire global dégradé, RSF a appris que le directeur de l’antenne de la chaîne d’État ORTM à Douentza, dans la région de Mopti, et un de ses caméraman ont été enlevés par des individus non identifiés sur le tronçon reliant Mopti à Douentza le 16 octobre. Plus d’un mois après leur disparition, aucune nouvelle n’a été communiquée publiquement à leur sujet.
Le Mali occupe la 119e place du Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2025 par RSF.
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