À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, célébrée ce mardi 25 novembre, des voix féminines se sont élevées en Guinée, pour rappeler l’ampleur et la gravité des violences basées sur le genre. Parmi elles, celles de Moussa Yero Bah, présidente de l’ONG Femmes développement et droits humains, et de Fatou Baldé Yansané, activiste engagée, défenseure des droits des personnes vulnérables.

 À travers de forts témoignages, Moussa Yéro Bah et Fatou Baldé Yansané ont mis en lumière la réalité quotidienne de nombreuses Guinéennes qui subissent des abus et de l’injustice en silence. Jointe au téléphone par La Lance, Moussa Yéro Bah rappelle que pour les défenseures des droits des femmes, la date n’est pas festive. « Nous ne célébrons pas cette journée, nous la commémorons », précise l’activiste au bout du fil. Indiquant, « en tant qu’activiste des droits des femmes, on ne célèbre pas cette journée, on commémore à travers des activités qui permettent de mettre en exergue les évolutions dans la lutte et qui permettent de mettre à nu aussi les manquements, les problèmes, les difficultés que rencontrent les activistes ou que rencontrent même les survivantes de ces violences. » Elle insiste sur la continuité du combat. « Quand on parle de violences à l’égard des femmes, pratiquement, c’est un combat continu, c’est-à-dire que nous vivons au quotidien. Nous venons de sortir un film documentaire intitulé Paroles de survivantes sur les violences que subissent les femmes à tous les égards, que ce soit des cas de viols, des violences conjugales ou des cas de harcèlement à Conakry ainsi qu’à l’intérieur du pays… Parce que souvent, les survivantes ne parlent pas beaucoup dans nos communautés. »

Des progrès, mais un tabou persistant

Pour la journaliste et activiste, les efforts de sensibilisation donnent des résultats encourageants même si ces avancées restent fragiles. « Je pense que les choses ont un peu évolué aujourd’hui en Guinée, parce que réussir à faire un film où vous avez des survivantes qui parlent, où vous avez des parents de victimes de viol qui parlent, ça veut dire que les choses ont évolué. Par contre, le tabou, il faut s’en débarrasser. Ça ne partira pas de sitôt, et ne pourra pas s’envoler comme par une baguette magique », s’est-elle inquiétée. Rappelant l’importance de la sensibilisation pour un monde sans violence.

50 survivantes accompagnées en neuf mois

Dame Yéro précise également que son organisation a assisté de nombreux cas en moins d’un an, notamment des cas de viol, de violences ou de harcèlement.

« De février à novembre, nous avons accompagné 50 cas de survivantes, par des accompagnements (médical, judiciaire, psychosocial.) L’objectif, c’est de faire en sorte qu’elles soient suivies jusqu’à ce qu’elles se remettent. Nous avons deux dossiers qui sont en procédure de jugement, un à Coyah, un autre à Conakry », s’est-elle félicitée, déplorant tout de même la non-poursuite des procédures. « Généralement, comme on vous le dit, 80% des cas de crimes commis ne vont pas jusqu’au bout. Vous avez seulement 20% qui aboutissent. Cela est dû, le plus souvent, aux pesanteurs socioculturelles, à la pression des parents, de sorte qu’on garde les criminels ou les bourreaux dans les familles. » D’où son appel à l’endroit des femmes : « Pour ne pas mourir sous les coups de la violence, il ne faut pas se taire. À partir du moment qu’on ne peut pas régler nos problèmes par le dialogue, sauf les violences, ce n’est plus un couple qui doit rester ensemble, parce que si rien n’est fait, généralement ce sont ces couples-là qui peuvent sortir des cas de mort », alerte-t-elle.

« On n’accepte jamais la violence »

Dans un message publié sur Facebook à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, l’activiste Fatou Baldé Yansané a rappelé d’abord les réalités de la vie conjugale. « Quand tu décides d’épouser un homme, tu l’acceptes avec ses qualités et ses défauts. S’il représente au moins 60% de ce que tu attends, accepte-le, car personne n’est parfait. Entretiens toujours de bonnes relations avec ta belle-famille… fais en sorte que jamais aucune faille ne vienne de toi. »

Cependant, l’ancienne Secrétaire générale du ministère de l’Enseignement technique met un frein clair à toute justification de la violence. « Mais si malgré tous tes efforts, tu tombes sur un mari qui te frappe, te brutalise, te traumatise… Et qu’on te dit que supporter cela apportera la bénédiction à tes enfants : c’est faux, c’est une aberration. La violence brise la femme, détruit son bonheur, tue sa joie de vivre et laisse des cicatrices profondes. Tes enfants grandiront dans la peur, la colère, la haine », a-t-elle regretté, soulignant enfin qu’ « on supporte un homme dans ses difficultés, mais on n’accepte jamais la violence, car elle détruit la mère et elle détruit les enfants. »

Mariama Dalanda Bah