Il paraît qu’en Guinée, même la Journée internationale de lutte contre le Sida a fini par attraper la fatigue nationale. Le 1er décembre est venu, il a regardé le pays, il a dit : « Hé Kéla ! Ici, même les campagnes de sensibilisation doivent être sensibilisées avant de sensibiliser ». Wallahi !

Et pendant que le monde entier accroche des rubans rouges, nous, on accroche des promesses blanches. On nous dit: «Prévention, dépistage, traitement !» Nous, on répond : «Campagne, meeting, cortèges !» À fakoudou ! Même les virus doivent se demander : «Dans quel pays sommes-nous encore tombés ?»

Mais le clou du spectacle, c’est notre Général bien-aimé, candidat déclaré mais jamais démissionnaire. Officiellement militaire, officieusement politique, publiquement civil, secrètement chef suprême des armées. Le seul homme au monde capable de faire campagne en uniforme invisible. Einstein serait encore vivant, il aurait inventé une équation spéciale juste pour lui. À fakoudou !

Pendant ce temps, les candidats-ceux qui n’ont même pas de suffrages dans leurs propres familles-continuent de nous promettre la lune alors qu’ils n’ont jamais vu un lampadaire fonctionner. L’un jure qu’il va «digitaliser le pays». On Chen fout ! Le monsieur ne sait même pas débloquer son téléphone sans l’aide de son neveu de huit ans.

Un autre, ancien patron de quelque chose qu’on a oublié depuis longtemps, promet encore des «usines dans chaque préfecture». La même chanson qu’en 1993, remixée en 2010, re-masterisée 2025.

Pendant que ces politiciens font leur foire, moi je voulais juste aller me faire dépister, comme tout citoyen responsable. Je me présente au centre le plus proche. Le vigile me regarde comme si je venais demander la main de sa fille et me dit :

– «Patron, ce n’est pas aujourd’hui. On attend l’ordre venu d’en haut.»

D’en haut où ? Du ministère ? De Dieu ? Du général ? De la météo ? Personne ne sait jamais. À fakoudou !

Frustré, je me dis : buvons une bière pour oublier. Mais le prix a augmenté plus vite que la prévalence. Même le VIH n’évolue pas aussi vite dans ce pays. Hé Kéla ! À ce rythme, on devra se faire dépister de la pauvreté avant de se faire dépister du virus.

Et pour couronner le tout, ma poule – oui, encore elle – a renversé le ruban rouge que j’avais acheté. Sa manière de dire: «Ici, même la sensibilisation, on ne respecte pas». Elle m’a regardé, je l’ai regardé… Elle a cligné de l’œil, comme si elle comprenait mieux la politique que moi.

Wallahi, parfois je me dis que le pays n’est pas malade du Sida… Le pays est malade d’un je-m’en-foutisme aigu. Comme disait un vieux du quartier : «Ici, même si tu veux attraper le bon sens, il va te glisser entre les doigts.» À fakoudou !

Un an après la tragédie de Nzérékoré, les 130 morts dorment encore dans un dossier posé sur une étagère poussiéreuse du ministère – celle où on range les promesses jamais tenues. On nous avait juré une enquête « rigoureuse » et « exemplaire ». Hé Kéla ! Chez nous, les enquêtes ne respirent que lorsqu’elles servent l’État, et elles meurent dès qu’elles s’approchent de la vérité. Les familles attendent, les tombes se refroidissent, les responsabilités s’évaporent comme une goutte d’eau sur le goudron de Nzérékoré. Wallahi, notre justice est devenue un vieux générateur qu’on secoue pour espérer une étincelle : tant qu’il n’y a pas courant pour le pouvoir, il ne démarre jamais. À fakoudou !

Le pré-minustre Bah Oury, lui, dit qu’il «réfléchit avec le président» pour dédommager les victimes du stade de Nzérékoré. Là, j’ai levé un sourcil. Dédommager un mort ? Wallahi, ça doit être un sortilège puissant, une formule de magicien d’État. Peut-être une nouvelle branche des mathématiques quantiques : la résurrection budgétaire. Ou une physique parallèle où les âmes ont des comptes bancaires. Qui sait ? Peut-être que le pouvoir Doum-doum prépare des cités paradisiaques livrées clés en main, depuis Cona-cris jusqu’à l’au-delà. Hé Kéla ! Chez nous, même l’impossible finit par devenir slogan officiel. À fakoudou !

Il y avait quelqu’un qui disait :

«Les candidats ont reçu deux milliards chacun. Ils veulent les économiser. Ils ne veulent pas dépenser un centime, parce que pour eux, c’est une élection gagnée d’avance. Mais moi, sans argent, je ne fais campagne pour personne !»

Wallahi, il parlait avec la sincérité d’un billet froissé. Claire. Nette. Sans hypocrisie. Chez nous, même le militantisme a un prix de gros ! Un autre ajoute, la bouche pleine de vérité :

«Mon candidat a mis son neveu directeur de campagne, son gendre comptable, son petit-fils à la communication… Hé Kéla !»

À ce rythme, même le logo du parti sera dessiné par la belle-sœur ! Si un sou doit tomber, c’est entre les doigts de la famille. On Chen fout ! Les campagnes ici ressemblent à des réunions familiales où l’argent entre, tourne, ressort…mais ne dépasse jamais le portail. À fakoudou !

Nous vivons dans un pays où les candidats distribuent les postes comme des morceaux de pain au beurre…sauf que le beurre reste toujours du côté des parents. Et quand il faudra marcher sous le soleil, crier, transpirer, c’est nous qui allons sortir…gratuitement ! Wallahi, c’est ça seulement qui dépasse les mathématiques modernes.

L’autre jour, dans un quartier, je surprends un groupe de jeunes assis sous un manguier, en plein débat plus intense qu’un Conseil des « minustres ». L’un dit fièrement :

– «Mon oncle m’a donné un tee-shirt du parti !»

L’autre répond :

– «Moi, j’ai eu un tee-shirt avant-hier…mais sans le dos ! Ils ont oublié d’imprimer l’arrière.»

Devant le slogan, derrière du vent. Hé Kéla !

Le gars ajoute tranquillement :

– «On m’a dit que le dos arrive après les élections.»

À fakoudou ! Même les tee-shirts font campagne en deux phases. On Chen fout ! Et le propriétaire conclut fièrement :

– «L’important, c’est le message devant. Le dos, c’est pour ceux qui vont fuir après les résultats.» Wallahi, j’ai ri jusqu’à pleurer. Dans ce pays, même les habits sont stratégiques.

On attend maintenant les résultats. Wallahi, je prie pour être devant ma télé lorsque ceux qui auront zéro virgule seront convoqués pour rembourser l’argent du contribuable. On verra des acrobaties budgétaires jamais enseignées à Harvard ! Et après remboursement, cinquante coups de fouet publics pour leur apprendre la politique politi-chienne: celle qui aboie pendant la campagne et dort pendant le vote. Hé Kéla !

Sambégou Diallo

Billet

Un chat m’a conté

Pour attraper

-un poste fantôme

-un million volé

-une promesse envolée

-un ruban rouge cassé

-un verre de bière hors de prix

-un fichier perdu

-un visa pour nulle part

-un sourire officiel

Mieux vaut attraper

ses propres mains.

Chers lecteurs, complétez à volonté jusqu’à 12.

Billet

Un chat m’a conté

Pour se protéger du Sida

-un préservatif introuvable

-un test jamais fait

-une information en retard

-un médecin absent

-une campagne oubliée

-une piqûre qui n’arrive pas

-une promesse d’État

-une prévention factice

Mieux vaut connaître

son corps et ses pieds.

SD