Jeudi 18 décembre 2025. Deux ans sont déjà passés depuis l’explosion du dépôt d’hydrocarbure du pays, basé à Kaloum. On avait déploré 25 morts, selon le bilan officiel, des blessés, plusieurs bâtiments écroulés surtout dans les quartiers Coronthie et Tombo. Deux ans après, les victimes attendent non seulement d’être indemnisées mais aussi le résultat de l’enquête.
Au-delà des annonces, les victimes de l’explosion du principal dépôt de car-brûlant du bled continuent de réclamer réparation. Même si bien d’entre elles ont commencé à reconstruire leurs habitations. Mercredi 17 décembre, Mamoudou Cifo Kétouré, leur porte-voix, était à la finition de sa maison. «Nous avons contracté des prêts pour faire ces travaux et ce sont des travaux qui vont durer dans le temps. Parce que nous avons pris tous les soins, cette fois-ci, pour ne pas que nos constructions s’écroulent. En achetant des tôles, des ciments, les carreaux et tous les autres nécessaires, même si cela faisait partie des dons qu’on n’a jamais reçus en nature. Sur instruction des sages, nous continuons à donner vie à nos constructions, à travailler pour nous mettre à l’abri des intempéries». Selon lui, il y a 4 mois ; le gouvernement avait donné 30 millions de francs guinéens à chacune des 24 familles sur 592 bâtiments impactés de façon directe et indirecte. Cela, dit-il, ne représente pas 5% de leurs besoins pour reconstruire leurs maisons. «Notre dédommagement devrait quand-même coûter, selon nos estimations, 35 millions d’euros. Nous avons fait, nous aussi, nos études sur l’impact. 35 millions d’euros en principe, c’est ce qui devrait représenter la valeur de nos réalisations, pour nous mettre à l’abri des intempéries, pour faire des constructions de qualité à remplacer nos constructions durement affectées».
Récemment dans la presse, le gouvernement a annoncé le lancement de la Facilité de crédit rapide, FCR. Un programme qui a pour but de venir en aide financièrement aux ménages touchés par l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum. Plus de 40 milliards de Francs guinéens a été annoncé en faveur des femmes sinistrées de l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Coronthie. Mais le prési des sinistrés dit n’avoir rien reçu. Il a appris l’info dans la presse. «Depuis cette annonce, nos mamans, nos sœurs, nos femmes sont là. Nous n’avons rien reçu. Toutes les fois qu’on les appelle, c’est pour leur demander de s’habiller en T-shirt et d’aller applaudir. Mais concernant leur autonomisation, nous ne voyons rien», affirme Cifoké Touré protestant contre la manipulation : «Notre dédommagement ne doit pas être associé à quelque chose. Nous sommes des victimes. Cela ne doit pas être associé à l’autonomisation. Non, ce ne sont pas des montants liés à un programme peut-être de campagne ou à un programme politique. Nous sommes victimes d’une explosion de haute envergure que la Guinée n’avait jamais connue depuis son indépendance, depuis sa création, depuis son existence».
Quid des dons en nature, de l’enquête ?
Après l’incendie, des dons en nature ont afflué de partout. Notamment du riz, des bidons d’huile, d’habits, de brouettes, de tôles, du ciment. À part les vivres, le prési des sinistrés affirme n’avoir reçu aucune brouette, aucune pointe, aucun sac de ciment pour la reconstruction de leurs logis. «Nous devons non seulement bénéficier de tout ce qui a été mobilisé en notre faveur, mais d’autre part, il ne faudrait pas qu’un programme d’urbanisation soit utilisé pour procéder à la spoliation. C’est ce que nous redoutons, c’est la crainte de nos parents aujourd’hui, parce qu’on ne voudrait pas associer les deux. Nous pouvons peut-être ne pas avoir tous nos droits, parce qu’aujourd’hui, nous sommes désespérés, nous ne savons plus à quel saint se vouer, parce que toutes les portes nous ont été fermées».
Quant à l’enquête, Mamoudou Cifoké Touré dit n’avoir pas eu aucune communication officielle du gouvernement. «Nous ignorons s’il s’agit d’un présumé incendie volontaire, un présumé incendie criminel, comme nous l’avons appris aux premières heures de l’explosion. Nous ne sommes pas situés sur l’enquête, à plus forte raison connaître qui est le coupable ou qui sont les coupables. D’abord, il y a des gens qui ont perdu leur vie. Leurs familles sont là, aux oubliettes. Certains enfants ont été déscolarisés, parce que leurs parents qui payaient leurs frais de scolarité ne vivent plus. C’est la communauté qui se donne les moyens, pour ne pas qu’ils abandonnent l’école. On réussit à les mettre dans les écoles publiques. Mais même ça, parfois, on demande à l’Association des parents et amis de l’école, APAE, de contribuer. Il n’y a pas une autorité ou quelqu’un qui vient au secours de ces enfants. Est-ce qu’on sait même s’ils existent ? Alors, à part cela, il y a des blessés, des invalides, des gens qui travaillaient mais sous l’effet des flammes, ils ont perdu leur emploi, ils ne peuvent plus travailler. Ils sont là avec nous. Il faut au moins les nourrir. Ils ont eu des blessures. Il y a des handicapés à vie avec nous. C’est triste, leur sort, parce que des jeunes de la vingtaine, trentaine, qui ne peuvent plus travailler. Mais je n’ai jamais entendu parler de l’accompagnement de ces blessés, jamais. Nous ne devons pas être les oubliés de la République», lance le prési des sinistrés de Coronthie.
Cifoké Touré dénonce l’intimidation et toutes les tentatives pour faire taire l’affaire. Face à « l’indifférence », il dit compter sur la solidarité interne, sur Dieu, face à la souffrance des victimes de l’incendie du dépôt de Coronthie.
Ibn Adama


