Des corps calcinés, certains enchevêtrés. Des cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants, des corps sans tête, d’autres jetés au fond d’un puits et des amas de chaires brûlées vives au milieu de cases incendiées. Du bétail et des greniers incendiés, c’est le spectacle désolant à Ogossagou, localité située près de Bankass, ou 160 civils peuls ont été massacrés, samedi 23 mars, selon le dernier bilan. « Ils n’ont épargné personne. Ils ont tout brûlé avec de l’essence et tué tout ce qui bougeait encore avec des armes militaires », racontent les témoins. Samedi, au petit matin, une centaine d’hommes armés sont arrivés à Ogossagou sur des motos. Les assaillants, habillés en tenue de chasseur dogon, les « chasseurs dozo » traditionnels, armés de fusils automatiques et de grenades, ont d’abord pris pour cible une petite base dans laquelle se trouvaient environ soixante-dix ex-combattant peuls, attendant là le démarrage du processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) dans le centre. Il s’agit d’un programme de désarmement du gouvernement. Si l’attaque n’a pas été revendiquée, les représentants de la communauté peule, accusent le groupe Dan Na Ambassagou (Les chasseurs qui se confient à dieu), une milice réputée alliée du gouvernement malien, dirigée par Youssouf Toloba, comme responsable du massacre.
Réaction
Après les condamnations dont le gouvernement malien a fait l’objet, le président IBK a convoqué un conseil de ministre extraordinaire à l’issue duquel, le gouvernement a décidé de limoger plusieurs haut-gradés de l’armée et de dissoudre la milice dogon Dan na Amassagou (accusée d’avoir mené l’attaque la plus meurtrière depuis le début de la crise au Mali, en 2012). Le chef d’état-major général des armées, le général M’Bemba Moussa Keïta, et le chef d’état-major de l’armée de terre, le colonel major Abdrahamane Baby ont été limogés. Une enquête reste ouverte. Ce lundi, le Président IBK a visité le sinistre par hélicoptère. Le Chef de l’Etat s’est recueilli sur les fosses communes et a présenté les condoléances aux familles éplorées et à la nation entière. Les équipes de secours s’affairent au milieu des maisons, des greniers et des véhicules calcinés. La milice Dan Nan Ambassagou créé en décembre 2016 a rejeté sa dissolution. En 2018, ils été accusés par plusieurs associations de droits de l’homme et associations communautaires d’exactions contre des civils peuls. Des faits qu’ils ont toujours niés. La milice aurait une quarantaine de camps dans le pays dogon, précisément dans les cercles de Douenza, Koro, Bandiagara et Bankass, la localité où a eu lieu l’attaque.
500 civils tués en 2018
Depuis l’apparition il y a quatre ans dans le centre du Mali du groupe djihadiste du prédicateur Amadou Koufa, recrutant prioritairement parmi les Peuls, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, qui ont créé leurs propres « groupes d’autodéfense ». Ces violences ont coûté la vie à plus de 500 civils en 2018, selon l’ONU. L’attaque est survenue six jours après un attentat djihadiste à Dioura, comme mesures de représailles suite aux dans la même région mais beaucoup plus au nord, contre un camp de l’armée malienne, qui a perdu 26 hommes, selon un dernier bilan de source militaire. Dans un communiqué de revendication vendredi, la principale alliance djihadiste du Sahel liée à Al-Qaida a justifié l’opération de Dioura par les « crimes odieux commis par les forces du gouvernement de Bamako et les milices qui le soutiennent contre nos frères peuls ». Parmi les tués d’Ogossogou figuraient des éléments peuls cantonnés dans le village, dans le cadre du DDR fait savoir samedi le préfet de Bankass, Boubacar Kané. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à forte dominance touareg), signataire de cet accord, a appelé, dans un communiqué, à la cessation immédiate de ces massacres qui s’apparentent à un véritable pogrom.
Oumar Tély Dillo