Si les occupants savaient qu’ils quitteraient, ils ignoraient quand. Jusqu’à ce Lundi 10, dans l’après-midi. Gêné-râle Ibou Baldé, Haut commandant de la gendarmerie a fait le tour de la zone pour demander aux gens de quitter avant jeudi. Deux jours seulement pour démanteler ce que les ‘’pauvres’’ ont passé des années à construire. L’opération s’annonçait douloureuse et hautement risquée. Alors des contingents de gendarmes ont été dépêchés, pour mater toute contestation, toute résistance, en cette période pluvieuse. Il est pourtant interdit de déguerpir les gens entre juillet et septembre. Et ils le savent. Mais ces gens-là ne méritent pas la clémence du Fama. Ils ont pourtant, disent-ils tous les dossiers de l’habitat, dûment signés. Depuis l’achat jusqu’à la construction qu’ils ont déjà déposés à la commune de Ratoma. Sur place, ils ont trouvés des familles résignées, meurtries, impuissantes. Elles ont obéi à la farce. Des enfants, des personnes âgées, des femmes enceintes, des malades sont jetés dehors. Pas d’abris ni d’indemnités, des familles appauvries, démunies, humiliées qui devront se décarcasser pour se trouver un refuge. Parce qu’il faut vivre.

Gêné-râle Baldé, insensible !

Maimouna Bah, habitait une maison à deux étages avec sa famille. Après l’avertissement du Gêné-râle Baldé, « nous l’avons supplié de nous laisser jusqu’au mois d’août. Il a refusé. Nous avons imploré sa clémence, même le chef du quartier l’a supplié. Il a refusé». Impuissant, Maimouna et frères entament alors une vaste opération de démantèlement. Toute la journée du lundi, mardi et ce mercredi matin. La pluie a compliqué les choses, mais le Gêné-râle n’est pas du genre à plaisanter. Le message était clair. Démantelez tout, ou bien je détruis tout. Alors portes, fenêtres, lits, matelas, tables, moquettes sont sortis. Les voisins sont venus prêter main-forte à la famille Bah pour décoiffer le bâtiment et démanteler la charpente. A peine le dernier madrier enlevé, le bulldozer du Génie militaire entame la casse. Maimouna et ses frères assistent à la scène. Leur père a été transféré chez un voisin. Trop fragile, il ne doit pas voir l’étage de son fils qui hébergeait depuis trois ans toute sa progéniture en train d’être démoli. Quatre ménages y vivaient. En voyant ça, « le chagrin pourrait lui causer une crise cardiaque et mourir sur le champ. C’est pourquoi nous l’avons éloigné » dit son fils Abdoulaye. Un premier coup de l’engin puis un second. L’assistance crie Allahou Akbar. Le bulldozer continue de faire tomber les murs. Maimouna dit qu’elle n’a pas où emmener sa famille. « C’est très difficile. C’est la justice du plus fort, mais Allah jugera ».

Ibrahima Bah a aussi été déguerpi, mais il a eu le temps de démonter les tôles et la charpente. Lui par contre n’a eu l’avertissement que mercredi. Deux célibataires occupaient sa petite maison qu’il a construite depuis 2007. En même « on nous a demandé de déposer les titres fonciers à la commune. Ce qu’on a fait. On attend la suite ». Mais dans ce cas, je crois qu’il n’y pas de suite à attendre.

Le paradoxe guinéen

Les autorités reprochent aux habitants de Démoudoula d’avoir rasé la forêt pour construire des habitations jusque dans le lit du fleuve. Il faut les dégager pour protéger l’environnement et les protéger eux même contre les inondations et les noyades. Normal, dirait-on si pendant ce temps les mêmes autorités ont donné des permis de construire à d’autres particuliers qui repoussent la mer pour construire des immeubles : Camayenne, Corniche sud. Un mouvement ‘’Sauvons nos corniches’’ a même vu le jour pour dénoncer cette attitude. Les autorités ne sont pas indignées. A l’intérieur du pays, les gardes-forestiers sont tous des buissonniers et des contrebandiers du commerce du bois. C’est la Guinée, un poids, mille mesures. Chaque régime a ses comptes à régler.

Abdoulaye Barry note que même si c’étaient des étrangers qui habitaient là, ils méritaient un traitement digne, parce que même les animaux sont protégés. Alors, il ne comprend pas pourquoi la décision de déloger des Guinéens, des pauvres familles en pleine saison de pluie. Il n’a qu’un mot, c’est de la haine.