Les membres de l’opposition TTC (opposition lacrymogène, coalition des partis pour la rupture, convergence de l’opposition démocratique) ont animé une conférence de presse, ce mercredi pour faire le poing sur le recrutement en catimini d’un opérateur technique par la CENI. Dans sa déclaration commune, les partis d’opposition « condamnent avec fermeté les comportements de la CENI et de son président et rendent personnellement responsable le président de la CENI des risques qu’il fait courir sur la crédibilité du processus électoral, gage de stabilité et de la paix sociale ».

L’opposition accuse le président de la CENI d’avoir engagé, dans le cadre de cet appel d’offres, des pourparlers avec des sociétés susceptibles de fournir l’expertise demandée, en violation flagrante du Code des marchés publics. « Il en est de même de la violation des engagements pris par la CENI concernant la concertation avec les partis politiques sur le processus électoral. La procédure de recrutement a été lancée sans concertation avec l’opposition ».

Malgré les mises en gardes de l’UFR le 20 mai, exprimant son « étonnement par rapport à la procédure, la CENI s’est voulu rassurante dans sa réponse en niant l’existence de cette procédure ». L’UFDG a elle aussi saisi l’ARMP pour dénoncer le caractère opaque et illégal de la procédure et a demandé de suspendre la procédure. Tous ces efforts ont été vains. « La CENI a adressé une demande de proposition à 7 sociétés pour l’attribution du marché, la procédure a abouti le lundi 10 juin 2019 par l’ouverture des plis des 5 sociétés qui ont soumissionné » fustige le Tall de l’UFR.

Fraude avérée

Diouldé Sow de l’UFDG a souligné que l’audit avait recommandé que l’opérateur soit recruté sur la base d’un appel d’offres international pour permettre d’avoir plus de transparence et de crédibilité. « Mais la CENI a opté pour une consultation restreinte. Dans les méthodes de passation des marchés, c’est la méthode la moins transparente ». Ce n’est pas la seule irrégularité. Sur le changement de la méthode, dit-il, le Code des marchés public exige à la CENI de demander en amont un avis de non-objection au ministère de l’Économie et des finances. « Nous n’avons pas vu la preuve de l’autorisation du changement de la méthode. Et pour faire une short list, on ne prend pas le prix comme facteur de sélection, mais la qualité technique. Donc ils ont pris des copains pour en faire une short list. Et là encore, tu dois publier l’adresse complète du compétiteur et sa nationalité pour la transparence. Mais sur la lettre que la CENI a envoyée, il y a un opérateur qui s’appelle ICD. Cela ne veut rien dire, aucune adresse. Pour épurer le fichier, la CENI a donné 15 jours aux soumissionnaires pour faire un travail aussi capital que d’épurer le fichier électoral. Mais les sociétés nous ont donné raison, certaines ont dit qu’elles ne peuvent pas faire une proposition crédible. C’est pour faire le forcing, mais nous ne l’accepterons pas vu tous ces manquements à la loi. Personne n’est au-dessus de la loi. Si la CENI n’arrête pas la procédure, ce sera son opérateur à elle, pas celui qui est chargé d’épurer le fichier électoral ». Mohamed Tall de l’UFR a enfoncé le clou : « Les sociétés retenues sont : Britex, tunisienne et Inovatrix, ukrainienne. Inovatrix travaille intimement avec Gemalto qui avait fait le fichier avant 2015, qui a créé ces doublons. Mais on fait appel à ses compétences encore pour compliquer la situation ». Quant à Britex, dit-il, elle n’a aucune compétence en la matière, son seul atout est que son propriétaire appartenait ou appartient à la CENI tunisienne. C’est tout.

L’audit du fichier réalisé par des experts internationaux avait conclu à la nécessité de réviser le fichier électoral : « Plus de 1 564 388 électeurs inscrits dans ce fichier sont sans empreintes digitales, plus de 3 051 773 électeurs non dé-doublonnés, plus de 3 millions d’électeurs sont nés entre un 1er janvier et un 1er juillet, donc un peu plus de la moitié des électeurs ne peuvent pas produire un acte d’Etat civil avec une date de naissance exacte ».

L’auditeur avait également insisté, au vu du nombre persistant de citoyens sans données biométriques et de personnes décédées pouvant encore figurer dans la base des données, « un contrôle physique de l’ensemble des électeurs s’impose. Chaque citoyen revient confirmer ou compléter ses données alphanumériques et biométriques pour qu’il soit maintenu ». Pour les prochaines opérations de révisions ou d’enrôlement, « demander à l’opérateur biométrique de conserver les données biométriques capturées et l’information sur la qualité de ces données pour garantir l’interopérabilité entre différents systèmes. Toutes les pièces justificatives des électeurs, formulaires, pièces d’identité devraient être archivées numériquement et rattachées aux données des électeurs ».