Selon toute vraisemblance, le Président Alpha Condé vient de boucler une semaine marquée par une vraie fausse offensive dans la bataille qui l’oppose au Front National pour la Défense de la Constitution. Au plan intérieur, le Président guinéen a déployé ses ministres quasiment sur toute l’étendue du territoire national pour ameuter «ses» troupes avec des disques rayés à vue d’œil. L’argent public, dans les caisses de l’Agence nationale pour le financement des collectivités, (ANAFIC), est utilisé à l’emporte-pièce pour poser les premières pierres habituelles, sans avoir coupé les rubans symboliques des infrastructures imaginaires promises depuis des lustres.
La deuxième décade de juin a vu des réunions à la base se tenir dans maintes localités du pays pour entendre des officiels du système égrener des projets de développement mirobolants en vue de « remobiliser les troupes » face aux nouvelles échéances électorales. Ministres et hauts cadres de l’Etat se sont rendus dans leurs préfectures et régions administratives respectives afin de demander une énième fois aux populations d’adhérer «au programme de développement du Professeur Alpha Condé.» Après la remise discrète «du prix des colas», on s’est souvent séparés comme à l’accoutumée, sans aucune confiance réciproque.
A part Mandiana où le ministre des hydrocarbures a racheté deux cadres connus de l’opposition, et Yomou, où le nouveau patron du Département de l’Assainissement a secoué le cocotier pour faire tomber deux ou trois fruits mûrs pour la transhumance, le pouvoir n’a pas eu grand-chose à se mettre sous la dent. Peut-être que la méthode choisie pour aborder les populations n’était pas des plus efficaces. Dans la plupart des contrées, au Foutah en particulier, les émissaires du gouvernement ont assisté aux cérémonies de pose des premières pierres sans rien dire des objectifs réels de leurs missions. Mouctar et Taran Diallo auraient perdu un peu de leur pugnacité d’antan. Une fois sur le chemin de retour, l’on annonce que les populations sont acquises à l’idée du référendum et du 3è mandat. Le tollé ne tardera pas à se manifester. Sous toutes ses formes, « puisque l’on n’en a jamais parlé.» Les plus fréquentes étant le manque d’électricité. Et tout naturellement, c’est EDG qui ramasse les pots cassés.
Pourtant, c’est au plan intérieur que le succès le plus éclatant aurait été enregistré. Tant celui de l’extérieur s’est révélé maigre. Il faut dire que la diaspora a joué un rôle fondamental dans l’échec diplomatique de la vraie fausse offensive du Président de la République. Au plan africain, l’annonce prématurée de «l’attribution» du poste de président de la CEDEAO à Alpha Condé n’est pas passée inaperçue. En compétition avec le Président Issoufou du Niger, le président guinéen n’avait de choix que celui d’envoyer à Niamey Diané et Kiridi « pour soutenir la candidature de Mohamadou Issoufou. Donc décliner la sienne. Alpha sait plus que quiconque que, président de la CEDEAO, il se sera fait couper l’herbe sous les pieds au niveau régional pour convaincre ses paires de la nécessité de changer la constitution de son propre pays. Le premier rôle du patron d’une organisation régionale est le respect des règles de celle-ci. Même si, médiateur dans la crise togolaise, il a œuvré inlassablement au maintien de Faure Gnassingbé au pouvoir et qu’il n’est pas impossible qu’il en emprunte la technologie pour glisser au-delà de 2020. Président de la CEDEAO, il résistera difficilement aux pressions extra-africaines par CEDEAO et UA interposées dès lors qu’il sortira du buisson pour annoncer son intention de briguer un 3è mandat en Guinée.
Peut-être est-il préférable de soutenir Mahamadou Issoufou et croiser les doigts pour un hypothétique retour d’ascenseur. Aussi, est-on en droit d’attendre avec impatience les vrais résultats du voyage de Kiridi Bangoura et de Mohamed Diané dans la capitale nigérienne.
Pis encore ! Là où Alpha Condé s’est tapé sur les doigts, c’est quand il a voulu mener une double offensive pour amortir les méfaits des manifestations du FNDC à Bruxelles le samedi 22 juin dernier. La première technique utilisée par le Président guinéen est digne d’une manipulation politicienne contre l’UFDG dans un quartier sombre de Conakry. De l’infantilisme politique à bien des égards. Alpha Condé loue les services d’un charlatan politicien pour annoncer la création d’un mouvement de soutien à la nouvelle constitution dans la capitale belge. Juste à la veille de la manifestation grandiose projetée par la diaspora guinéenne et africaine puissamment mobilisée à travers toute l’Europe. Malgré le logo et l’argent, le mouvement de soutien s’est retrouvé hors-jeu face à la déferlante bruxelloise. Comme on dit en pareilles circonstances, il n’y a pas eu match.
La seconde facette de la fausse offensive gouvernementale guinéenne a consisté à envoyer à toutes les missions diplomatiques guinéennes de par le monde, la fameuse « note » 0422/MAEGE/SG/MD/19 du 19 juin 2019 par laquelle le ministre guinéen des Affaires Etrangères et des Guinéens de l’Etranger cherche à expliquer la nécessité d’adopter la nouvelle constitution. « Vous voudrez bien vous approprier le contenu pour tirer vos éléments de langage et en assurer une large diffusion au niveau des autorités et institutions auprès desquelles vous êtes accrédités.» Le travail s’est révélé bien ardu. Pour deux raisons au moins.
La première est toute simple. Une lettre de cette nature, censée être traitée comme un élément essentiel de la valise diplomatique, n’a pas tardé à se retrouver dans les quartiers les plus insalubres de la capitale guinéenne. Peut-être avant même qu’elle ne soit parvenue aux honorables destinataires. Ce qui ne devrait pas manquer de semer le doute sur l’engagement « indéfectible » de nos diplomates vis-à-vis de la nouvelle constitution et du 3è mandat en faveur d’Alpha Condé.
La deuxième raison est d’une logique implacable. Le Président Condé se voit dans l’obligation de se précipiter pour envoyer un courrier d’explication sans aucune copie physique du texte fondamental. Les diplomates les plus chevronnés que compte le pays s’en trouvent déjà désarmés. Personne, absolument personne, n’en a une copie en main. Il faut le souligner. Quelle que soit la pédagogie appliquée, il sera difficile à nos diplomates de disserter ex-nihilo devant les autorités averties au plus haut point des pays dans lesquels ils sont accrédités.
Il n’en fallait pas plus pour que des « fuites » à une très large échelle soient organisées dans le pays pour réitérer qu’en cette dernière semaine du mois de juin, aucune autorité guinéenne, le Président de la République excepté, n’a eu connaissance de la nouvelle constitution. A commencer par Ibrahima Kassory Fofana lui-même. Et de conclure que pas plus de six personnes sont dans le secret des dieux : le Président de la République et les « cinq rédacteurs » de notre chef d’œuvre invisible. Alpha Condé s’amuserait-il à orchestrer tout ce branle-bas pour rien ? Que nenni ! La Guinée n’a jamais manqué d’échéances électorales. Si ce n’est pas celle-ci, ce sera celle-là. Où avez-vous vu une campagne inutile en Guinée ? Allons-donc !
Diallo Souleymane