Dans un document publié par Human Rights Watch ce mercredi, trois femmes ont accusé l’ancien président de la Gambie, Yahya Jammeh, de viol et d’agressions sexuelles alors qu’il était au pouvoir. La Commission Vérité, Réconciliation et Réparations gambienne (Truth, Reconciliation and Reparations Commission, TRRC) est en train de constituer des dossiers sur les violations des droits humains, y compris des cas de violences sexuelles, commises au cours des 22 années du règne de Jammeh.  

Fatou (« Toufah ») Jallow, miss Gambie 2014 a affirmé que le président Jammeh l’a violée après qu’elle eut rejeté ses avances. « Yahya Jammeh a piégé de nombreuses femmes gambiennes, les traitant comme ses choses », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch qui a dirigé l’enquête. « Mais le viol et l’agression sexuelle sont des crimes, et Jammeh n’est pas au-dessus des lois. ». Fatou Jallow (connue sous le nom de Toufah), qui accuse Jammeh de l’avoir violée en 2015, a au contraire demandé que son nom soit révélé, souhaitant s’exprimer publiquement.

Les personnes interrogées ont émis des accusations détaillées contre l’ex-président, affirmant qu’il forçait ou contraignait de jeunes femmes à avoir des relations sexuelles avec lui. Certaines touchaient un salaire de l’Etat et travaillaient à la State House comme « protocol girls ». D’anciens responsables ont rapporté que Jammeh et ses subordonnés donnaient de l’argent et des cadeaux à ces femmes, leur promettant des bourses d’études et d’autres privilèges – de fortes incitations matérielles dans l’un des pays les plus pauvres du monde.

En 2014, Toufah Jallow, qui avait 18 ans à l’époque, a été élue « reine » du principal concours de beauté organisé par l’État. En six mois, raconte la jeune femme, le président lui a remis un prix de 1 250 USD et l’a couverte de cadeaux. Il a fait installer l’eau courante dans la maison de sa famille située dans la périphérie de Banjul. Il lui a également proposé un poste de « protocol girl », qu’elle a déclinée. Enfin, il l’a demandé de l’épouser, ce qu’elle a également refusé. Un jour, alors que les collaborateurs du président venaient de la conduire à la State House sous prétexte qu’elle devait assister à une récitation du Coran marquant le début du Ramadan, Jammeh l’a enfermée dans une pièce et lui a dit : « Il n’y a aucune femme que je veuille et que je ne puisse pas avoir. »  D’après son récit, il l’a alors frappée, lui a injecté une substance puis l’a violée. Plusieurs jours après, Toufah Jallow s’est enfuie au Sénégal.

Ces femmes l’accompagnaient lors de ses fréquents séjours prolongés à Kanilai, son village natal. Certaines voyageaient à l’étranger avec lui, avaient l’obligation d’habiter près de la State House, n’avaient pas le droit de quitter les lieux sans autorisation et étaient dissuadées d’avoir un petit ami. Un ancien proche du président estime que Jammeh « sélectionnait lui-même ces jeunes femmes pour assouvir ses fantasmes sexuels ».

L’une d’elles, « Anta », a déclaré que Jammeh l’avait repérée lors d’un évènement public. Des collaborateurs du président l’ont embauchée comme salariée du service du protocole et Jammeh a offert de coûteux cadeaux à ses parents indigents. La jeune femme rapporte que la première fois que Jammeh a exigé d’avoir des relations sexuelles avec elle, elle lui a opposé un refus, mais il lui a répondu qu’il « soutenait [sa] famille et pouvait arrêter de le faire à tout moment ». À une autre occasion, après l’avoir fait venir pour avoir des relations intimes avec elle, le président lui a déclaré qu’elle ne devait en parler à personne, sous peine d’en « subir les conséquences ».

Une autre « protocol girl », « Bintu », a déclaré que Jammeh lui avait proposé une bourse pour étudier aux États-Unis. Lorsqu’elle a refusé d’avoir des relations sexuelles avec lui, Jammeh a alors ordonné à son chef du protocole de l’empêcher de se rendre à l’ambassade américaine pour l’entretien préalable à l’obtention d’un visa et a mis fin à son contrat à la State House. Il a également annulé son offre de bourse d’études.

Adama Barrow, le président gambien, a déclaré que la Gambie attendrait le rapport de la TRRC avant d’adresser une éventuelle demande d’extradition de Jammeh à la Guinée équatoriale. 

Oumar Tély Diallo