Faisant suite à une énième suspension arbitraire d’un média par la Haute autorité de la communication (HAC) du Gabon, Reporters sans frontières (RSF) demande une réforme du fonctionnement de l’organe de régulation des médias afin qu’il remplisse son rôle originel de défendre la liberté de la presse plutôt que les intérêts du pouvoir.
La “HACHE”. C’est ainsi que les journalistes gabonais surnomment la Haute autorité de la communication (HAC), pour sa propension à “couper la tête” des médias en leur infligeant régulièrement des suspensions. Le 20 juin 2019, l’organe de régulation des médias n’a pas failli à sa réputation en sanctionnant le journal Fraternité d’une inter
L’autorité a jugé que les écrits de l’article constituent “des insinuations malveillantes, calomnieuses, injurieuses et mensongères”, et qu’ils portent “atteinte à l’honneur et à la dignité du président”. Elle a également exigé le retrait de tous les kiosques et autres points de vente du numéro incriminé. Contacté par RSF, le journal a indiqué son intention de faire appel de cette décision, quitte à passer par la justice.
“Depuis son entrée en fonction il y a un an, la HAC a procédé à une douzaine de suspensions arbitraires privant différents médias de publication ou d’antenne pour une durée cumulée de 28 mois, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Ce bilan est désastreux. Cette autorité apparaît clairement comme un instrument de défense des intérêts du régime et se mue en véritable bourreau des médias au détriment de sa mission première de défense de la liberté de la presse. Aujourd’hui seule une réforme en profondeur de son fonctionnement et de sa composition pourrait permettre aux journalistes de retrouver une liberté de ton et de traiter tous les sujets d’intérêts généraux, même les plus sensibles politiquement”.
Créée par ordonnance le 23 février 2018 en remplacement du Conseil national de la communication (CNC), la Haute autorité de la communication est censée être une autorité administrative indépendante. Sur les 9 membres qui la composent, 7 sont directement nommés par le pouvoir. Les médias qui osent critiquer le président ou ses proches s’exposent à des sanctions presque systématiques.
En novembre 2018, le journal l’Aube écopait ainsi d’une suspension de 3 mois pour avoir évoqué la santé du président. Quelques mois plus tard, en avril 2019, le quotidien était à nouveau sanctionné pour 6 mois pour avoir publié une interview fictive de l’ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo à l’occasion du 1er avril et pour une interview de Désiré Enamé, directeur de publication du journal Echos du Nord -lui aussi suspendu à plusieurs reprises- qui dénonçait un “acharnement exceptionnel sur des journaux bien ciblés”.
Le Gabon a perdu 7 places dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2019. Il occupe désormais la 115e position sur 180 pays.
Reporter Sans Frontières