Dans le cyber-machin judiciaire qui oppose des inconnus au groupe de presse Lynx-Lance, les choses prennent un tour nouveau. Après en avoir été notifié au téléphone la veille par le bureau du Doyen des Juges d’instruction de la juridiction de Kaloum, Souleymane Diallo l’administrateur du groupe a bénéficié d’une mainlevée, le 28 août 2019. Son co-inculpé et directeur de la radio Lynx Fm, Boubacar Algassimou Diallo alias Abou Bakr attend toujours la sienne, comme promis.

Astreint à signer le registre de contrôle judiciaire chaque lundi, mercredi et vendredi ce 30 août, Abou Bakr s’est acquitté de cette obligation en compagnie de ses avocats et de quelques con(s.)frères. Me Thierno Souleymane Barry, du collectif des avocats (sans vinaigrette) du groupe, a indiqué qu’ils n’avaient reçu que la notification de l’ordonnance de mainlevée « pure et simple, sans explications », au sujet de Souleymane Diallo. « Mais l’ordonnance indique que Souleymane Diallo offre l’ensemble des garanties : patron de presse et autres. Nous estimons que Boubacar Algassimou Diallo offre aussi de telles garanties : domicile connu, lieu de travail également. Il n’a jamais offensé la loi. Nous estimons qu’il peut bel et bien bénéficier d’une mainlevée de son contrôle judiciaire », a-t-il déclaré. Il a souligné qu’ils ont de toutes façons fait appel de l’ordonnance du juge d’instruction, et « nous comptons introduire une demande de mainlevée » également pour Boubacar Algassimou Diallo.

Sanou Kerfalla Cissé, le prési de l’Union des radios et télévisions libres de Guinée (Urtelgui) n’a pas mâché ses maux : « Nous accompagnons notre ami et frère Boubacar Algassimou Diallo dans le cadre de son maintien judiciaire. Jusqu’hier, nous pensions que depuis le mardi, le contrôle judiciaire était levé et pour Souleymane Diallo et pour lui, parce qu’il s’agit d’un même dossier qui est indissociable. On ne peut pas séparer Souleymane Diallo de Boubacar Algassimou Diallo parce qu’il s’agit d’une seule affaire et non de deux. » Le prési de l’Urtelgui soutient que c’est la loi 002 de 2010 portant sur la liberté de la presse qui doit s’appliquer en pareille situation et non la loi 037 sur la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel : « Nous allons faire comprendre simplement au juge qu’en la matière, c’est l’application la bonne loi, qui est la 002 de 2010 et non la loi 037 de 2016. Ce n’est pas une bonne loi, c’est une loi liberticide. »

Il est reproché aux deux responsables d’avoir propagé des informations « de nature à troubler la sécurité publique et à porter atteinte à l’honneur et à la dignité humaine par le biais d’un système informatique ». Comprenez par là l’intervention de Doussou Condé, militante de première heure du RPG devenue très critique à l’égard du pouvoir du Grimpeur, lors de l’émission Œil de Lynx du 31 juillet 2019. La levée du contrôle judiciaire au bénéfice de Souleymane Diallo est intervenue après le tollé qui a suivi son inculpation et au lendemain d’un sit-in devant la Haute Autorité de la Communication. Abou Bakr est interdit, entre autres, de l’animation de l’émission œil de lynx. Une mesure que qualifie Me Thierno Souleymane Barry de draconienne.

La loi 0037 sur la cyber-sécurité est de plus en plus utilisée dans des dossiers impliquant la presse. Chose étrange, elle n’a pas été publiée dans le journal officiel de la République. C’est du moins la conclusion de l’huissier mandaté par Me Mohamed Traoré, un des avocats du groupe. Malgré tout cette procédure hors-norme, sans plaignant (du moins connu) et basée sur un texte inopposable aux citoyens, continue.

Yaya Doumbouya