La Guinée est sous état d’urgence sanitaire depuis le 27 mars dernier à cause de la présence de la pandémie du Covid-19. Le 1er avril, le Prési Alpha Grimpeur a renforcé ces mesures pour contrer la montée en flèche de la maladie. Il s’agit notamment de la réduction du nombre de personnes dans le transport en commun et de l’interdiction de toute sortie de Cona-cris vers l’arrière-pays. Mais ces deux morsures sont très peu respectées. Des teufs-teufs bondés de passagers (7 à 8 passagers pour les véhicules qui en prenaient auparavant 9, et 4 pour ceux qui en 6) prennent chaque jour la direction de l’intérieur du pays. Ils se comptent même par des dizaines, avec bien sûr des fortunes différentes. Les chauffeurs qui n’ont pas de « bras longs » au niveau du barrage de Kouriah, sont obligés d’arpenter les pistes pratiquement impraticables du buisson de Coyah pendant au moins 5 h. Le calvaire commence dans la localité de Béteyah à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Coyah. Des jeunes taxi-motards, en complicité avec des hommes en treillis des pandores, montent des barrages, rançonnent les chauffeurs. Pour passer, c’est 50 mille francs glissants ou rien. À défaut, les motards font signe aux pandores qui retournent les véhicules à Coyah-centre. Les chauffeurs qui osent rouspéter sont chicotés. Dans cette brousse, pas moins d’une dizaine de barrages. De Cona-cris à la sous-préfecture de Mambia (Kindia) où on retrouve la route nationale, aucune mesure sanitaire, pas de distanciation sociale, pas de gestes barrières. Les citoyens se frottent et s’entassent sans aucune retenue. Des habitants de certains villages traversés ont même eu l’idée d’improviser des marchés. Exception faite à la localité de Foussikouré dans Mambia, où les pandores qui organisent les rackets ont eu le bon sens d’installer des kits de lavage des mains. Le reste, chaque chauffeur verse au minimum 50 mille francs glissants, pour continuer son voyage.
A l’entrée de la ville de Kindia, des bidasses aux yeux aussi rouges que leurs bérets empêchent tout mouvement des teufs-teufs, et extorquent 10 000 francs aux voyageurs sans leurs cartes d’identité et 20 000 francs aux chauffards pour la « levée de barrage ». Situation pareille à Mamou. A Pita, des bidasses du BATA (Bataillon autonome des troupes aéroportées) ne lésinent pas sur la force : 150 000 francs glissants, pour chaque véhicule. Faire appliquer l’interdit de circuler n’est pas leur tasse de thé.

Tiegboro-bara et ses hommes compliquent les choses

En milieu de semaine, les sévices de la Lutte contre le grand banditisme et le crime organisé du tout tout-puissant Moussa Tiegboro-bara Camara ont interpellé une vingtaine de conducteurs de taxis qui contournaient le barrage de Kouriah. Depuis, ça va dans tous les sens. Pendant qu’on jure de punir sévèrement les contrevenants à Cona-cris, des teufs-teufs en sortent par dizaine. Direction, l’intérieur du bled. Certes la plupart des déviations sont bloquées, mais les négociations se passent désormais au niveau du barrage de Kouriah. Les hommes en treillis ne s’intéressent pas au nombre de personnes se trouvant dans les véhicules, ils s’intéressent plutôt aux sommes d’argent qu’ils peuvent extorquer.

Bangouyah, la nouvelle gare routière

Ces derniers jours, les transporteurs ont trouvé « la bonne formule ». Ils ont érigé la localité de Bangouyah (Kindia) frontalière à la préfecture de Coyah en gare-routière. Le trajet s’arrête désormais à moins de deux kilomètres du fameux barrage de Kouriah (Coyah). Les citoyens qui souhaitent sortir de Cona-cris se rendent à Bangouyah. Ceux qui y entrent, trouvent le moyen d’atterrir à Cona-cris. Le tout au vu et au su des farces de défense et de sécu-raté.
Comme pour dire que ces mesures n’ont été prises que pour renflouer les poches des flics, des pandores et des bidasses. Puisque la seule certitude dans cette affaire, c’est qu’il est impossible pour un chauffeur de franchir un barrage sans mettre la main à la poche. Sans être alarmiste, avec le comportement des hommes en treillis, le Covid-19 a de beaux jours devant lui.

Yacine Diallo