Le Mali et la Guinée se considèrent comme « deux poumons d’un même corps », qui s’étonne que leurs présidents respectifs, Alpha Condé et Ibrahim Boubacar Keita alias IBK, qui se disent être des frères, se retrouvent sur la sellette ? Depuis le 5 juin, Bamako bouillonne et fait trembler le locataire du Palais de Koulouba, suite aux grandioses mobilisations dirigées par l’imam Mahmoud Dicko. Les manifestants qui déferlent par milliers dans les rues de la capitale malienne réclament le départ de leur président qu’ils accusent de ne pas assez combattre la corruption, la mauvaise gouvernance, le terrorisme…Alors que la Cour constitutionnelle est taxée de partialité.

Pour l’opposant guinéen, leader du Bloc libéral, les problèmes du Mali représentent moins de 10 % des maux qui gangrènent la Guinée. Et aux mêmes maux, les mêmes remèdes, prescrit Faya Millimouno. « L’opposition doit suivre un calendrier rigoureux pour chasser Alpha Condé. Je suis de ceux qui pensent que tant qu’il est au pouvoir, la Guinée court un risque d’implosion. Il a réduit la Guinée à sa plus petite expression. Ce qui se passe sous son règne ne peut se passer nulle part ailleurs. Mais le Guinéen est devenu fataliste. J’ai envie d’exprimer une colère : pour moins de 10 % de ce que Alpha Condé a fait en Guinée, on est en train de chasser IBK au Mali. Qui vole un œuf, volera un bœuf. La falsification de la loi organique sur l’INIDH par son cabinet sans passer par le CNT est passée comme lettre à la poste. Aujourd’hui, on s’étonne qu’on rédige une constitution controversée, on la publie au Journal officiel, la soumet pour adoption et après on la réécrit et la promulgue sans qu’elle ne soit soumise au peuple. Aujourd’hui, on n’a pas de Constitution », fulmine l’opposant en séjour, depuis une semaine, aux Etats-Unis.   

Mettre en place une Transition

Outre la violation de la loi, le leader du BL déplore les tueries tant à Conakry qu’en Guinée Forestière, sans la moindre enquête. « Ce serait faire preuve d’une grande naïveté que de croire qu’une élection est possible avec l’ombre d’Alpha Condé, même pas à Sékhoutouréya mais en Guinée. Si la démocratie guinéenne doit être sauvée, le vivre ensemble préservé, une période transitoire est indispensable », martèle Faya Millimouno.

Bah Oury, sur la même longueur d’onde, estime que l’heure n’est pas à discuter de la tenue d’élections. « Il faut une transition politique dans ce pays. Nous sommes dans un pays sans Constitution, avec un fichier électoral totalement corrompu, décrié aussi bien par l’OIF que par la CEDEAO. L’urgence, c’est de restaurer l’ordre constitutionnel avant de penser à organiser une quelconque élection ».

A la question de savoir qui doit mettre en place cette transition, Bah Oury interpelle les Guinéens et la CEDEAO. Cependant, il dénonce des dissensions au sein du FNDC (Front national pour la défense de la Constitution). « Il faut absolument que les gens reviennent aux fondamentaux. Ce n’est pas une compétition pour une élection présidentielle qui est à l’ordre du jour, mais sauver la paix et la stabilité. Il faut remettre de l’ordre dans nos rangs et avoir un langage unique et cohérent vis-à-vis de la Communauté internationale pour se faire entendre. Le FNDC est constitué de partis politiques et d’organisation de la société civile. Les premiers n’ont pas le même langage quant à l’attitude à avoir dans le contexte actuel. Il faut remettre de l’ordre dans la maison d’abord »

Faya Millimouno minimise : « Je ne trouve pas de dissensions majeures au sein du FNDC. Il n’y a pas de différence de vues, de contradictions entre ceux qui ont toujours cru que la Guinée mérite un meilleur leadership. Ils doivent juste s’asseoir pour rendre limpide le message afin de plus efficacement mobiliser les Guinéens ». Néanmoins, admet-il, « l’opposition n’a pas été claire. On a l’impression qu’on a peur de demander le départ de Alpha Condé. Il faut le demander et insister, à l’immédiat. Amoulanfé n’était pas mal en soi, mais dès lors que Alpha Condé s’est obstiné et qu’on a dit qu’on ne le reconnaissait plus, ce slogan devait céder place à la demande de son départ. Ce n’est pas encore tard ».  

Après une trêve de trois mois due à la pandémie de Coronavirus, le Front national pour la défense de la Constitution menace de redescendre dans la rue. Il projette une marche pour la « liberté et l’alternance démocratique », le 8 juillet prochain, qui partira du rond-point de la Tannerie à l’esplanade du Palais du peuple via l’autoroute Fidel Castro. Un autre bras-de-fer en vue.  

Diawo Labboyah Barry