On ne sait pas trop comment Alpha Grimpeur s’est senti quand l’Imam Dicko l’a appelé de Bamako pour l’inviter à intervenir dans la crise malienne. La voix d’un chef musulman provenant d’un pays où les djihadistes font la pluie et le beau temps, devrait mal sonner dans les oreilles d’un chef d’Etat qui fait des mains et des pieds pour s’impliquer dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. La réponse de Sékhoutouréya n’a été rendue publique ni par Cona-cris ni par le Mouvement du 5 juin que dirige le religieux malien.
Pourtant, la réponse doit intéresser les Guinéens au plus haut point. Il est souhaitable de connaître le genre d’islam pratiqué au Mali, qui permet à un chef religieux de transcender tous les clivages sociaux pour s’enraciner dans le domaine politique au point de le maîtriser comme le fait bien l’Imam Dicko. « Imam, ce n’est donc pas imam ? » Manifestement, quelque chose ne tourne pas rond. Maintenant on commence à comprendre la nature bancale de la formule : « Le Mali et la Guinée sont deux pays avec un seul et même poumon.» Comment respirions-nous quand les Maliens formaient leurs imams ? De quel bois se chauffe la classe politique malienne pour s’effacer si gentiment devant un leader religieux si apte à chasser IBK du pouvoir ? Le bluff à notre endroit aura été total. Un bref coup d’œil autour de nos mosquées et autres sièges de partis politiques nous inciterait à dénoncer, que dis-je, à corriger la formule en « deux pays avec un seul et même cœur.»
Quant au Président-Grimpeur, il a dû se montrer courtois et respectueux avec l’homme de Dieu. Mais, ce n’est pas pour autant qu’il a raccroché dans la sérénité. L’histoire du Mali et celle de la Guinée ont toujours été intimement liées. Au poing de voir Koulouba rythmer quelquefois le sommeil de Sékouthouréya. On le sait à présent, « le complot Kaman-Fodéba » avait pour levier principal le coup d’État contre Modibo Kéita. Il a fallu prendre les devants pour « extirper la contre-révolution des rangs de l’armée guinéenne avant qu’il ne soit trop tard.» Modibo Keïta n’aurait pas dû dormir sur ses lauriers.
Puisqu’il a pris la Guinée là où Sékou Touré l’a laissée, Alpha Condé doit avoir une dent plus qu’acérée contre IBK. Il est peu probable qu’il l’ait dit à l’Imam Dicko. Il n’a pas dû lui dire non plus que comme Modibo, IBK a manqué de vigilance. Au point de tendre la main à des manifestants de l’opposition qui ont le toupet de vociférer contre lui toute la journée et rentrer chez eux à pied. Comme si ses FDS manquaient de dextérité ou de balles… perdues.
Alpha n’allait certainement pas tenter l’impossible pour faire élire son homologue malien si c’est pour arriver à un résultat aussi minable. Il a pourtant été clair quand il a envoyé l’ancien ministre des affaires étranges de Côte d’Ivoire, Amara Essis, auprès du candidat malien pour lui signifier que personne d’autre que lui, IBK, n’occupera Koulouba. L’affaire n’était plus malio-malienne au moment où les Sénégalais ont accepté de faire de leur présidence un Maquis des plus Sall, prêt à répandre la puanteur jusqu’à Sékhoutouréya en y installant un certain Cellou Malin Diallo. Si de Serval au G5 Sahel, en passant par Barkhane et tout le bataclan, le Mali a pu survivre, IBK devrait, au moins, pouvoir enseigner à ses opposants les meilleures méthodes de perdre le pouvoir. Sans l’intervention d’un imam. Grand dieu !
Diallo Souleymane