Quand le feu vient de sa chambre à coucher, c’est que la maison du patron a déjà brûlé. Kankan en feu, c’est comme si l’histoire de la Guinée se mettait soudain à parler par la bouche de Ionesco : « Le Roi se meurt. » Plus précisément, le roi est mort. Le soleil de la vérité s’est levé sur son univers de chimères et de brumes. Un violent ouragan, celui de la colère populaire menace ses remparts d’argile et ses palais en carton-pâte. Son personnage cousu de fils blancs sort de l’ombre. Le voilà nu devant le monde entier, notre roitelet qui a menti au monde entier !
La division ethnique, cette vieille combine du colonisateur est une arme à double tranchant. Dans un premier temps, elle effiloche le tissu national et permet aux imposteurs de se hisser au pouvoir. Dans un second temps, elle induit le réflexe de l’unité et frappe de plein fouet le diabolique individu qui l’a enclenchée. La Guinée en est à cette seconde phase. Le régime d’Alpha Condé tire à sa fin puisque le réflexe de l’unité est en train de prendre le pas sur le poison de la division et de la haine. Forgés dans le creuset historique et culturel de l’empire du Ghana, nos liens intercommunautaires sont indestructibles. Les opportunistes de tous bords devraient en prendre de la graine.
C’est le moment de rappeler ici cette belle maxime d’Abraham Lincoln : “Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps.”
Nos frères de Haute Guinée ont compris : ce sont eux, les principales victimes du système démoniaque d’Alpha Condé. Ce sont eux qu’il a le plus manipulés. Ce sont eux qu’il a pris en otage. C’est à eux qu’il a le plus menti. Ce sont eux qu’il a le plus frustrés : les fausses promesses, les projets foireux, c’est d’abord et avant tout pour la région natale de Sassine et de Camara Laye. Une Haute-Guinée isolée, repliée sur elle-même est une bonne chose pour le régime anachronique d’Alpha Condé, certainement pas pour l’épanouissement économique et social des enfants de Kankan, de Kouroussa, de Siguiri ou de Mandiana. Les Guinéens savent que leurs ethnies ne sont pas ennemies. Ce sont les pneus d’un seul et même camion : un seul crève et c’est la voie de garage pour tous.
Je vais répéter ce que j’ai souvent dit dans ces colonnes : le tribalisme et l’intégrisme religieux ne sont pas des causes structurelles, ce sont les conséquences de la mal-gouvernance. Seuls les dirigeants les plus médiocres recourent aux cordes sensibles et malsaines de la tribu et de la religion. Le premier geste d’un dirigeant, d’un vrai, c’est de rassembler ses administrés au-delà des pseudo-frontières culturelles et religieuses. Regardez ce que Senghor a fait au Sénégal. Regardez ce que Modibo Keïta a fait au Mali. Regardez ce que Houphouët-Boigny a fait en Côte d’Ivoire ! Regardez comment fonctionnent de grandes démocraties comme la France, les Etats Unis ou la Grande-Bretagne ! Elles abritent toutes les races et toutes les religions du monde généralement dans un climat d’entente collective et de paix. Les différentes races et les différentes religions peuvent parfaitement cohabiter pour peu qu’il y ait le droit : droit à la vie, droit à la parole, droit à la justice pour tous !
Des notions apparemment trop subtiles pour les bêtes assoiffées de sang qui nous gouvernent !
Tierno Monénembo