De Lomé à Kinshasa, en passant par Conakry, chez Nicolas Sarkozy et la Cour pénale internationale à La Haye, une mauvaise nouvelle (pour les adeptes d’un pouvoir à vie et ceux qui traînent des casseroles) vient de faire la Une de la presse, suite à la naissance du FISPA, début octobre à Bamako. La Guinée y a été représentée par le reggaeman Elie Kamano : « L’idée est venue de Biprem-Fasoko, plateforme de la société civile malienne, qui a contacté tout et un chacun. Nous avons jugé nécessaire de mettre en place un Front des sociétés civiles panafricaines parce que nous sommes un peu faibles, isolés. Nos devanciers ont été inspirés de mettre en place l’Union Africaine. C’est une sorte d’Union Africaine des sociétés civiles qu’on a créées. Le Burkina, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Guinée y étaient représentés ». Le Front international de la société civile panafricaine réunit, entre autres, les mouvements Y en a marre du Sénégal et Balai citoyen du Burkina, sous le parrainage de l’Ivoirien Tiken Jah Fakoly. Une force d’appui pour le mouvement Le peuple n’en veut plus d’Elie Kamano et de rempart contre les velléités de troisième mandat dans les prochaines et décisives années : « En 2018, il y aura les assises du FISPA en Guinée, en présence de plus de quinze pays. En 2020, année de l’élection présidentielle, j’assurerai la présidence qui est tournante. Cela veut dire que j’aurai toute la force des sociétés civiles africaines derrière moi pour mener le combat au cas où il y aurait tripatouillage de la Constitution ».

L’idéal de cohésion

Outre la plainte contre Nicolas Sarkozy déposée auprès de la Cour pénale internationale pour son rôle présumé dans la déstabilisation de la Libye, le FISPA ambitionne de fédérer les efforts de lutte en faveur de la démocratie sur le continent. En Guinée, le combat de la société civile doit être mené contre elle-même, avant d’être externe. Elie Kamano reconnaît des querelles intestines mais se considère comme unique porte-flambeau de la contestation : « On ne peut pas parler de guerre d’égo quand des jeunes se lèvent avec des sauts d’humeur, pour s’opposer à l’éventualité d’un troisième mandat parce que tel l’a fait. (…) Si vous menez le même combat, il n’y a pas de raison que vous ne vous aligniez pas derrière celui qui a été l’un des précurseurs. En matière de reggae guinéen, après le grand-frère Alpha Wess, je suis le seul porte-flambeau de la dénonciation, des années avant que certains ne soient connus ».

Un argument balayé du revers de la main par l’artiste Djani Alfa, un des quatre leaders avec Takana Zion du mouvement citoyen Wonkhai 2020: «Dans une Afrique en construction, aucune initiative n’est à insulter. Personne n’a le monopole de l’action sociale. A partir du moment qu’on s’engage pour la société, toute initiative est à saluer. Qui le fait? Comment il le fait ? C’est un autre débat. L’Afrique n’a plus besoin des martyrs, on en a suffisamment eu. L’Afrique a besoin des modèles». Et de rappeler qu’en « Guinée, la première société de téléphonie est Sotelgui. Aujourd’hui, Sotelgui n’existe pas. Ce n’est pas parce qu’on est précurseur de quelque chose qu’on est détenteur de la vérité universelle ».

Wonkahai 2020 n’a pas été créé contre un éventuel troisième mandat. C’est un mouvement citoyen créé pour faire entendre la voix de la jeunesse. Et «en tant que tel, il croit en la Constitution de ce pays qui dispose qu’un président de la République n’a droit qu’à deux mandats. Le pouvoir n’a pas encore déclaré qu’il veut un troisième mandat. Si cela arrivait, nous serions contre ».

Mali, Sénégal, partout la société civile connaît ce genre de division, estime Elie Kamano, convaincu que face à l’essentiel, les Guinéens ont toujours retrouvé leur unité. « On sera ensemble quand la situation l’imposera. En période de crise ou quand le Syli national joue, tout le monde se retrouve». Et Djani Alfa de conclure : «Le plus important n’est pas forcément qui dirige la prière, mais que la prière soit acceptée». Une assertion qui aura du mal à passer à Kissosso-poudrière, où une guéguerre d’imamat déchire les fidèles ces jours-ci. 

Diawo Labboyah Barry