Sept ans après le début de l’enquête, quatre entités du groupe Socfin, actif dans la production d’huile de palme et de caoutchouc, et cinq personnes physiques – dont son actionnaire majoritaire, le belge Hubert Fabri, proche de Vincent Bolloré, ont comparu ce vendredi devant le tribunal correctionnel, avant que l’affaire ne soit renvoyée du 23 au 25 mai. Parmi les prévenus, Mariama Camara, actuelle ministre guinéen de l’Agriculture qui sera jugée pour corruption passive.
L’ancienne directrice de la Société guinéenne du palmier à huile et hévéa (Soguipah) pendant une trentaine d’années est devenue ministre de l’Agriculture, le 27 décembre dernier. Mariama Camara est soupçonnée d’avoir encaissé plus de 4,2 millions d’euros pour son bénéfice personnel – ce qu’elle conteste – par le truchement des autres prévenus, qui seront jugés pour abus de confiance, corruption active, faux et usage de faux et blanchiment. Après son départ de la Souguipah, un trou de 20 milliards de francs glissants avait été découvert. Elle a nié toute implication.
En 2009, lors d’une perquisition menée au siège des sociétés du groupe Socfin dans le cadre du dossier d’évasion fiscale présumée, instruit par le juge bruxellois Jean-Claude Van Espen, les enquêteurs saisissent des documents en rapport avec la société Socfin, basée au Liechtenstein et qui servait à rémunérer les employés du groupe Socfin à l’étranger. Sur des documents saisis, les enquêteurs trouvent des traces de versement avec la mention suivante : « avance WAT », comme West African Trading, société de droit anglais détentrice des contrats de commercialisation entre les plantations du groupe Socfin et la Soguipah.
Cette société-écran (dénomination que conteste la défense) avait signé une convention avec la Soguipah de Mariama Camara. Chaque année, entre 2002 et 2010, la Soguipah faisait réserver 5% du prix d’achat de son caoutchouc au titre d’une « dette fournisseur ». Mais selon les éléments du parquet de Bruxelles, cet argent était en fait transféré sur les comptes personnels de Mariama Camara, en France et en Suisse au titre de commissions occultes. En 2011, l’affaire est mise à l’instruction. En 2015, les prévenus étaient renvoyés devant le tribunal.
Selon les arguments de la défense, Mariama Camara touchait cet argent en parfaite transparence avec le gouvernement guinéen, afin « d’optimaliser le fonctionnement de la Soguipah. L’argent pour payer des pièces de rechange est resté entre les mains de Mariama Camara parce que la société guinéenne ne pouvait pas avoir de compte à l’étranger », a affirmé l’un des prévenus aux enquêteurs. Dans un courrier adressé au ministre des Affaires étrangères Didier Reynders en 2011, son homologue guinéen avait fustigé l’enquête belge et clamé « qu’aucun reproche ne peut être fait à la directrice générale (de la Soguipah, NDLR) dont l’intégrité exemplaire et le professionnalisme ont été reconnus, année après année, depuis sa nomination ».
Pour l’instant, la concerné n’a pas réagi. Ni le gouvernement.