Mamadouba Camara a une plantation d’un hectare en périphérie de la ville. Il récolte depuis 2014, après seulement 3 ans d’attente. « Je fais appel à des volontaires, parfois, des gens que je paie pour m’aider à récolter. Après, je fais sécher les noix, puis les mets dans des sacs pour les revendre après ». D’autres paysans n’ont pas de grandes plantations, seules quelques plants qui se comptent du bout des doigts. Ceux-ci n’attendent pas d’avoir tout récolté pour vendre. Chaque quantité cueillie est directement écoulée auprès d’acheteurs intermédiaires, comme Paul Maomy : « Je suis confié aux voisins, de me livrer leurs récoltes, au lieu de donner aux grossistes. Mais ce n’est pas facile. Par jour j’achète 5 à 10 Kg, en un mois j’ai entre 150 et 200 Kg. Je fais sécher les noix, ce que je revends plus tard aux grossistes guinéens ». L’an passé à la même période, Maomy a acheté le kilo entre 5 000 et 10 000, et l’avait revendu à 15 000. Cette année, le prix a flambé dès le début, « je suis sûr que le kilo pourrait être vendu jusqu’à 20 000 GNF. Cette année, c’était à 8 000, puis 10 000, et 11 000 dans d’autres villages. Mais ce n’est que le début, la récolte n’a pas proprement commencé ».
Guerre d’intérêts
À Boké, les planteurs ne sont pas organisés, du moins pour le moment. Une situation profitable aux acheteurs. Et deux grossistes se disputent le marché, des Indiens et un certain El hadj Alpha Barry, établi là-bas. Nous l’avons rencontré, mais il n’a « rien à dire à la presse ». Paul Maomy explique le stratagème des deux géants de l’acajou. « Quand les Indiens arrivent, ils font flamber le prix. Mais les grossistes guinéens ont aussi un plan. Ils ont des relations auprès des planteurs, pendant l’hivernage, ils passent dans les villages laisser de l’argent auprès des planteurs, ils offrent des denrées alimentaires aux paysans, et même des motos parfois pour gagner leur confiance. En période des récoltes, les paysans viennent rembourser l’argent en donnant leur récolte ».
La politique des Indiens consiste à proposer un prix nettement supérieur à celui proposé par les Guinéens. Et ça marche. Des fois. « Si le prix est à 10 000 francs, les Indiens peuvent proposer 12 000 ou plus, alors tous les paysans vont vers eux ».
Mais les planteurs se sont fait planter par le goubernement, qui aurait interdit aux Indiens d’aller à Boké. Youssouf Koumbassa accuse le ministre Marc Yombouno de vouloir saboter le commerce d’acajou à Boké. « Si les Indiens ne viennent pas, Elhadj va faire la pluie et le beau temps. Si les Indiens viennent, le prix va monter et c’est de l’argent pour les paysans ». Youssouf Koumbassa pense que le ministre Yombouno s’est trompé sur ce point. Alors que les planteurs ont besoin d’un intérêt, le gouvernement a bloqué ceux qui paient l’acajou très cher. Pour lui, cette décision vise à freiner les intérêts des planteurs, sinon le gouvernement n’a qu’à dire aux Chinois d’attendre la bauxite à Conakry.
En attendant que les Indiens soient rétablis, les planteurs font face à un problème : des bandes de pilleurs sèment la désolation dans les plantations. Pendant que le proprio ronfle tranquillement chez lui, les pilleurs, qui n’ont pas sommeil du tout, récoltent tout. Des acheteurs peu recommandables sont là pour les aider à écouler le butin. À moindre coût. C’est du gagnant-gagnant. Alors, les planteurs se défendent comme ils peuvent. Gris-gris accrochés aux plantes ou bien des nuits blanches dans les plantations. Arme au poing.