« La part des fonds apportés par l’aide (APD) qui reste dans les pays en développement est très faible. Pratiquement, tout l’argent octroyé retourne rapidement aux pays riches sous forme de produits achetés chez eux. » Eric Toussaint
On appelle « Aide Publique au Développement » les dons ou les prêts à des conditions financières privilégiées accordés par des organismes publics de l’OCDE réunis dans le Comité d’Aide au Développement (Robert McNamara, président de la Banque mondiale, extrait du discours prononcé devant les gouverneurs de la BM, le 30 septembre 1968 (in McNamara, 1973, p. 24).
De nos jours, il suffit tout simplement qu’un prêt soit consenti à un taux d’intérêt inférieur à celui du marché pour qu’il soit considéré comme une aide, même s’il est ensuite remboursé jusqu’au dernier centime par le pays bénéficiaire. Pour gonfler leurs chiffres, la plupart des pays incluent la coopération technique, les allégements de dette, le coût des bourses octroyées aux résidents des PED qui viennent étudier dans les pays développés, le coût de l’accueil des demandeurs d’asile. Les dépenses liées à la lutte contre le terrorisme (cas des américains), le renforcement de la sécurité de leur personnel présent sur place, le coût de leur participation à des opérations de maintien de la paix…
Deux canaux sont utilisés par les pays membres du CAD pour appuyer les pays bénéficiaires des APD : le premier canal entre dans le cadre l’aide bilatérale, et, le second multilatérale (géré par le FMI et la BM). Par ailleurs il convient de souligner que l’aide bilatérale représente environ 2/3 de l’APD et l’aide multilatérale le reste. S’agissant de l’aide multilatérale, les IFI (Groupe Banque mondiale, FMI et Banques régionales de développement) se taillent la part la plus importante (environ 45%), suivies par le Fonds européen de développement de l’Union européenne (environ 30 %), les différentes institutions spécialisées de l’ONU ne représentent que 25 %.
Selon les données officielles du CAD, l’aide extérieure dispensée par des donneurs publics a atteint 146.6 milliards USD en 2017. Dans le même sillage, l’aide bilatérale accordée à ces pays pauvres se fixe à 26 milliards US. De plus, l’aide multilatérale accordée au continent africain tourne autour de 29 milliards USD dont 25 milliards USD pour l’Afrique subsaharienne. Au total le continent africain a reçu plus de 600 milliards de dollars d’aide extérieure. La question qui se pose alors est la suivante : où va tout cet argent ?
Pourtant, les pays développés ne consacrent que 0,7% de leur revenu national brut aux nations en développement). Bien que de telles dépenses représentent une goutte d’eau dans l’océan des budgets des nations donatrices, la somme combinée des dons des gouvernements à travers le monde est assez conséquente pour causer de gros problèmes dans les économies en développement. Selon l’économiste tchadien Issa Abdelmamout l’APD permet d’influencer les pouvoirs publics des pays bénéficiaires. Il continue sur sa lancée et ajoute que les pays donateurs utilisent ces fonds, en cas de besoin, comme moyen de pression pour faire plier les dirigeants africains, déjà habitués à cette aide financière, afin de préserver leurs intérêts économiques. Plusieurs études ont démontré le peu d’impact voir même l’absence d’impact de l’aide étrangère sur le développement économique.
Dans son ouvrage intitulé Doing Bad by Doing Good, paru en 2013, l’économiste Christopher Coyne, de l’Université George Mason, explique pourquoi des mesures destinées à atténuer les souffrances finissent par les multiplier.
Dambisa Moyo, dans son livre intitulé Dead Aid : Why Aid Is Not Working and How There Is a Better Way to Help Africa paru en 2009, qualifie l’aide étrangère en Afrique de « désastre économique, politique et humanitaire absolu », qui a effectivement rendu le continent plus pauvre. Les Africains auront du mal à reconnaitre la légitimité de leurs gouvernements tant que des dépenses pour l’éducation et les soins de santé sont assurés grâce à des pays étrangers, explique-t-elle. Pour Moyo, les dépenses de l’aide continuent de renforcer la perception des gouvernements africains comme étant inefficaces, et il est presque impossible pour eux de se libérer de la dépendance à l’aide étrangère. Coincés dans un environnement d’aide, il n’y a aucune incitation pour les gouvernements à chercher d’autres moyens plus efficaces et plus transparents pour financer le développement ».
Bill Easterly de l’Université de New York dans son livre paru en 2008 « Le fardeau de l’homme blanc » les échecs des organisations internationales trouvent leur explication dans le fait qu’ils privilégient les intérêts politiques et commerciaux des pays donateurs au détriment des besoins des pays bénéficiaires.
En somme, un proverbe africain dit : « donner du poisson à celui qui a faim c’est bien, mais lui apprendre à pêcher c’est encore mieux ». Ce proverbe veut simplement dire que L’Afrique doit apprendre progressivement à pêcher au lieu d’attendre à ce qu’on lui donne du poisson. Une telle situation devrait lui permettre de se réveiller puis de s’affranchir de l’APD au profit d’autres mécanismes plus efficients pour financer son développement économique…
Mamadou Safayiou Diallo
Economiste, Enseignant-Chercheur
Membre du Centre de Recherche en
Economie du Développement (CRED)