Samedi dernier, Alpha Condé s’est rendu sur le site qui abrite l’hôpital, l’école, la mosquée et le marché au quartier Entag dans la commune de Matoto. Cette visite de terrain visait à constater l’état d’avancement des travaux de construction de ces infrastructures offertes par le Roi Mohamed VI du Maroc lors de son dernier passage à Conakry. Dans la foulée, le Chef de l’Etat a dénoncé « l’occupation anarchique » par des citoyens des périphéries du chantier. Une sortie qui n’a pas tardé à faire effet sur le terrain.

Le lundi 22 octobre, Ibrahima Kourouma, ministre de la ville et de l’aménagement du territoire accompagné de ses agents ont débarqué sur les lieux avec des bulldozers, cassant tout sur leur passage : maisons, boutiques, magasins, conteneurs, etc. Environ une cinquantaine de places ont été touchés par cette opération. Au moins trois habitations ont été également atteintes mais aucun chiffre lié aux pertes subies par ces populations n’est pour l’instant disponible, selon les victimes trouvées sur place. Depuis, certaines familles passent la nuit à la belle étoile. Mamadou Alimou Diallo est l’un de ces délogés. « Le vendredi, le Premier ministre et son équipe sont venus ici. Ils ont mesuré une distance de 10 m entre la cour et nos habitations, ils ont mis une croix après et ils sont répartis sans rien nous dire. Le lendemain, aux environs de 11h, le Chef de l’Etat est venu jusqu’à la devanture ici pour faire le constat. Quelques temps après, lui aussi a rebroussé chemin sans nous dire mot. Le lundi, ils ont envoyé une mission qui nous a sommés de sortir nos biens des maisons car ils sont venus démolir nos bâtiments. Aussitôt demandé, aussitôt fait. Les bulldozers postés aux abords ont été mis en action ».

Selon lui, le ministre de la ville et de l’aménagement du territoire Ibrahima Kourouma qui supervisait l’opération n’a daigné dire mot par rapport à une éventuelle indemnisation. C’est pourquoi les déguerpis ont compilé les documents attestants leur acquisition légale des domaines avant de les déposer à la direction nationale de l’habitat. Pour l’instant, aucune réaction pourtant, déclare Aliou, sa famille et lui passent la nuit à la belle étoile. D’où ce cri de cœur. « Nous sommes là depuis 32 ans. Mon frère, qui avait acheté le domaine, est décédé. Et c’est dans les mains de l’Etat qu’il avait acheté le domaine. Maintenant que ce même Etat a décidé de nous retirer le domaine, nous ne pouvons pas nous opposer à cette décision. Seulement, nous demandons qu’il nous dédommage parce que c’est de notre propre sueur que nous avons bâti ces murs ».
Irrité par ces agissements des autorités, Amadou Oury ne mâche pas ses mots. « Nous disons simplement que l’Etat n’a pas de respect pour sa population. Parce qu’il ne peut pas venir ici détruire nos maisons sans donner de préavis ni rembourser. C’était là notre espoir. Nous demandons l’aide des bonnes volontés. Au Professeur Alpha Condé, nous lui demandons de penser à nous. Car maintenant, nos familles passent la nuit à la belle étoile ».
Par ailleurs, une bonne partie de commerçants du marché d’Entag sont inquiets aujourd’hui. Leurs magasins et boutiques ont été marqués d’une croix rouge par les agents du ministère de la ville et de l’aménagement du trottoir. Un d’entre eux, menacé de déguerpissement, n’a pas voulu s’exprimer de peur d’être dans le viseur des autorités. Cependant, il dit se remettre à Dieu pour son éventuel sort.
Selon les informations qu’on a reçues sur place, les agents du ministère de la ville et de l’aménagement du territoire devaient passer à l’acte ce mardi. Sauf qu’avec les remous qui ont agité la capitale, ils ont décidé de sursoir. Et depuis plus aucune nouvelle. L’angoisse des riverains est, elle, bien présente.